Le « Jikji », un trésor de l’imprimerie

Le Jikji est le plus ancien livre au monde, connu à ce jour, imprimé au moyen de caractères métalliques mobiles. Son impression en 1377 à Cheongju, dans l’actuelle République de Corée, est antérieure de 78 ans à celle de la Bible de Gutenberg.

 

Päk un (1298-1374) Päk un hoa sañ čʹorok pulčo čʹikčʹi simčʹe yočōl (Jikji) – BnF, département des Manuscrits

Qu’est-ce que le Jikji ?

De son titre complet Päk un hoa sañ čʹorok pulčo čʹikčʹi simčʹe yočōl, que l’on traduit par Traits édifiants des patriarches rassemblés par le bonze Baegun, le Jikji est un ouvrage bouddhique. Une version xylographiée du texte complet du Jikji datée de 1378 et provenant du monastère de Ch’wi’am, est conservée en Corée. L’exemplaire conservé à la BnF correspond pour sa part au second volume du texte.

Rédigé par le moine Päk un et ses disciples, Seokcan et Daldam, il contient les éléments essentiels du bouddhisme zen, issus de divers ouvrages tels que le Gyeongdeok jeondeungnok et le Seonmun yeomsong. Il évoque des thèmes permettant à chacun d’accéder à l’essence même du zen et a été utilisé  dans un contexte d’enseignement aux étudiants de cette doctrine. Il est encore aujourd’hui considéré comme un texte majeur par l’ordre bouddhique sud-coréen de Jogye.

Un trésor de l’humanité

Datant de 1377, le Jikji a été imprimé dans le temple Heungdeok-sa de Cheongju, au moyen de caractères métalliques mobiles, fondus. Il est considéré par la communauté internationale, et notamment par l’UNESCO, comme le plus ancien document connu imprimé avec ce procédé. Le Jikji est également inscrit au nombre des trésors nationaux de la Corée du Sud, (classement n° 1132 en 1992) ainsi qu’au Registre Mémoire du monde depuis le 4 septembre 2001.

De la Corée à la France

Consul de France à Séoul durant le règne du Roi Gojong (1863-1907), Victor Collin de Plancy fait l’acquisition d’un ensemble de plusieurs centaines de livres coréens anciens, dont le Jikji, et les rapporte en France. Le Jikji est resté sa propriété jusqu’en 1911 où il fut vendu au collectionneur Henri Vever qui le lègue à la Bibliothèque nationale en 1950. L’ouvrage entre dans les collections en 1952.

Le Jikji à la BnF

Conservation et accès 

Conservé à la BnF sous la cote Coréen 109 en « Grande Réserve » au département des Manuscrits, il fait partie des pièces les plus précieuses des collections  et est traité en conséquence. Tout est mis en œuvre pour en limiter au maximum tant la manipulation que les déplacements. Il n’est communicable que sur avis motivé et après autorisation de la direction du département.

Accès en ligne

Le Jikji est référencé dans le catalogue général ainsi que dans la Base Archives et Manuscrits de la BnF. Le titre du document est mentionné en français, en coréen (hangul), ainsi qu’en caractères chinois (hanja) avec une translittération en caractères latins.

Pour faciliter l’accès de ce document au plus grand nombre de personnes, le Jikji est consultable en ligne sur Gallica.
Toutes ces numérisations du Jikji sont consultables et téléchargeables gratuitement. Il est aussi possible de zoomer sur le document et de le télécharger en format jpeg ou pdf.

 

Voir le Jikji dans Gallica

Päk un (1298-1374) Päk un hoa sañ čʹorok pulčo čʹikčʹi simčʹe yočōl (Jikji) – BnF, département des Manuscrits

Présentations au public

Pour des raisons de conservation et de préservation, le Jikji a rarement été présenté au public.

Lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, il est présent et accessible au grand public pour la première fois, aux côtés de divers objets ainsi que la collection Collin de Plancy, au sein du pavillon coréen.

Il faut ensuite attendre 1972 pour qu’il soit de nouveau visible à l’occasion de l›« Année internationale du livre » où il est alors reconnu en Occident comme étant le plus ancien livre existant imprimé avec des caractères métalliques mobiles. L’année suivante, le Jikji est présenté aux côtés des manuscrits les plus rares et les précieux de la Bibliothèque nationale lors de l’exposition Trésors d’Orient.

En 2023, l’exposition Imprimer ! L’Europe de Gutenberg est l’occasion pour la BnF de présenter, pour la première fois simultanément, des pièces exceptionnelles issues de ses collections que sont : le Bois Protat (France ou Allemagne du Sud, vers 1400), le plus ancien bois gravé occidental connu ; le Jikji et a Bible de Gutenberg (Allemagne, vers 1455), le premier imprimé typographique européen.

Plus d’informations sur l’exposition Imprimer ! L’Europe de Gutenberg

La science au service de ce trésor

La BnF favorise depuis toujours une politique d’ouverture et de coopération scientifique autour du Jikji. Bibliothécaires coréens et chercheurs internationaux coopèrent à ses côtés afin de percer les nombreux mystères qui entourent encore ce document.

Parmi les collaborations les plus récentes, l’on peut citer celle avec le musée de l’imprimerie ancienne de Cheongju, l’université nationale de Chungbuk et le Centre de recherche pour la conservation (CNRS-MNHN-ministère de la Culture) pour la réalisation d’analyses physico-chimiques sur le Jikji (2021-2024).

De gauche à droite : Bruno Sagna/BnF, Vén. Hye-Won/Temple de Gilsang-sa à Paris, Bak Sangmee/UNESCO, Lee Beom-Seog/Cheongju, Chae Su-Hee/Administration du Patrimoine culturel de la République de Corée, Laurence Engel/BnF, Kim Jung-hee/Overseas Korean Cultural Heritage Foundation, Vén. Beom-Jong/Ordre bouddhique Jogye, Choi Jai Chul/Ambassade de la République de Corée en France, Lee Il-Yul/Centre culturel coréen - 11 avril 2023 ©Fabrice Gaboriau/Le Terrier/BnF

Par ailleurs,  la BnF et l’Administration pour le patrimoine culturel de la République de Corée ont signé, le 11 avril 2023, une convention de coopération triennale visant à renforcer la coopération scientifique, autour des fonds coréens de la BnF.

La facilitation de l’accès du public coréen à l’exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg », notamment via des ressources en ligne en coréen ainsi que l’organisation conjointe de conférences relatives au Jikji, constituent les deux premières actions réalisées dans le cadre de cet accord. 

La BnF coopère également avec l’Overseas Korean Cultural Heritage Foundation (Fondation pour le patrimoine coréen à l’étranger), organisme de mise en œuvre des actions de coopération autour de l’exposition.