Le Beatus de Saint-Sever

Le Beatus de Saint-Sever est l’un des manuscrits les plus spectaculaires que nous a légué le Moyen Âge. Réalisé vers 1060 dans l’abbaye de Saint-Sever, c’est un joyau d’une extraordinaire richesse, à la fois par son texte et son décor qui parlent de l’Apocalypse.
 
Beatus de Saint-Sever, feuillets 121v-122r - BnF

 

Les Beatus : un commentaire sur l’Apocalypse

Les Beatus sont des manuscrits qui nous ont transmis le Commentaire sur l’Apocalypse de saint Jean rédigé par un moine du VIIIe siècle, Beatus de Liébana. La particularité de ce commentaire est d’avoir été pensé par son auteur comme un commentaire à la fois textuel et visuel, autour des visions de saint Jean dans le livre de l’Apocalypse. On recense 26 exemplaires enluminés entre le IXe et le XIIIe siècle qui ont tous ont été copiés en Espagne, sauf le Beatus de Saint-Sever et un autre exemplaire italien. 

Le Beatus de Saint-Sever

Aujourd’hui conservé au département des manuscrits de la BnF sous la cote Latin 8878, le Beatus de Saint-Sever a été exécuté dans l’abbaye gasconne au XIe siècle.

On doit sa conception à l’abbé Grégoire de Montaner, qui commande le cycle décoratif du manuscrit à trois artistes différents : les images accompagnent les textes autour de l’Apocalypse de Saint Jean et servent d’explication visuelle du monde et de l’histoire de l’humanité. Les couleurs de l’encre servent à distinguer le texte biblique, en rouge, et celui du commentaire, en brun, rédigé par Beatus de Liébana.

 

Beatus de Saint-Sever, feuillet 14v - BnF

La mappemonde qui se déploie sur deux pages (feuillets 45bisv et 45ter) en est l’un des plus beaux exemples décoratifs. Unique par sa mise en forme, le nombre des toponymes, l’abondance et la longueur des légendes, elle est une véritable somme du savoir géographique disponible au XIe siècle. Surtout, elle donne une position géographique centrale à l’abbaye de Saint-Sever qui s’y présente comme une nouvelle Jérusalem occidentale.

 

La mappemonde du Beatus de Saint-Sever, feuillets 45bisv et 45ter - BnF

 

L’histoire de ce manuscrit est digne de sa beauté. Il a échappé à l’incendie de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Sever, au moment des destructions qui ont ravagé le Sud-Ouest de la France lors des guerres de Religion. Passé ensuite en mains privées, il réapparaît en 1769 à une vente de livres, et ce n’est qu’en 1790 qu’il intègre les collections de la Bibliothèque nationale.

 

Feuilleter le manuscrit dans Gallica

L’Apocalypse en images

Dernier livre du Nouveau Testament, l’Apocalypse ou Livre de la Révélation est rédigé par Saint-Jean l’Évangéliste : l’apôtre y décrit une série de visions qu’il eut sur l’île de Patmos, au large de l’Asie Mineure. Ce texte est si hermétique que dès les premiers siècles du christianisme, beaucoup de théologiens ont rédigé des commentaires pour en éclairer le sens et les Beatus s’inscrivent dans cette tradition. 

Le Beatus de Saint-Sever se veut très pédagogique : il prépare les hommes à la fin des temps et au Jugement dernier, par le biais de son texte et des images enluminées. Nous vous en donnons à voir quelques unes. 

  • Satan
    Satan au milieu de l’Enfer entouré de pécheurs (f. 145r), Beatus de Saint-Sever
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  • Bête-Diable-Faux prophète
    Des grenouilles et des démons qui sortent des gueules d’une créature Bête-Diable-Faux prophète (f. 184r) : c’est une allégorie de la parole mensongère
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  • Le Déluge
    Le Beatus de Saint-Sever ne présente qu’une seule véritable scène de destruction : c’est la scène du Déluge (f. 85r), accomplissement de la Révélation de saint Jean.
    Particulièrement effrayante, cette image a inspiré Picasso pour « Guernica ».
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  • Les cavaliers de l’Apocalypse
    Au centre du récit, la lutte entre le Bien et le Mal est résumée dans la somptueuse double page (ff. 108v-109r) illustrant le passage de l’apparition des chevaliers de l’Apocalypse (Ap. 6 : 19).
    Christ, sur un cheval blanc, lutte contre 3 cavaliers dont l’un représentant la mort.

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L’Apocalypse de saint Jean se fait finalement porteuse d’un message d’espoir : la victoire finale du Christ et le Jugement dernier débouchent sur l’avènement de la Jérusalem céleste. On peut en admirer l’architecture aux feuillets 207v-208r du Beatus : les matériaux et les couleurs de l’édifice de 12 pierres précieuses pour les 12 apôtres.

 

Architecture de la Jérusalem céleste (feuillets 207v-208r), Beatus de Saint-Sever, XIe siècle - BnF

 

Pour aller plus loin :