Reproduction des plaques de verre du fonds Rol (1904-1919) à Sablé

dans Actualités de la conservation, n° 29, 2011
Mots-clés dans l’index : numérisation, photographie
Anne Robert, Philippe Masseau. BnF, Centre Joël-Le-Theule, Sablé-sur-Sarthe

Des agences de presse

Le fonds « Monde et Caméra » a rejoint les collections de la Bibliothèque nationale en 1961. Ce fonds d’illustrations photographiques couvre la première moitié du XXe siècle. Il est issu du rachat de l’agence de presse SAFARA (« Service des Agences Françaises d’Actualités et de Reportages Associés », 1937-1946) et constitué des collections de trois agences : Rol, Meurisse et Mondial photo presse (ROL, de 1904 à 1937, Meurisse, de 1909 à 1937 et Mondial photo presse de 1932 à 1937 ). Il comporte quelques albums et répertoires ainsi qu’un ensemble unique de plus de 150 000 plaques de verre et 100 000 tirages. Certains de ces documents suivent la répartition par série thématique (Histoire de France, Mode, Portraits, Transports…) du département des Estampes et de la photographie. C’est la tranche chronologique 1904-1919 qui est traitée à Sablé.

L’agence Rol, auparavant connue sous diverses appellations : « Rol Marcel et Cie, reportage photographique », « Marcel Rol », « M. Rol » s’associait aux rédactions des journaux de l’époque qui ne disposaient pas de service photographique et a notamment collaboré avec « L’Illustration » et « Le Petit Parisien ». À ses débuts, les sujets photographiés concernaient principalement le sport et les actualités politiques. Par la suite, l’agence s’est orientée vers la « photographie de mode ». Afin de faire face à la concurrence internationale, elle s’est enfin associée avec les agences Meurisse et Mondial pour fonder l’agence SAFARA.

Les plaques de verre et l’évolution des procédés photomécaniques : du négatif au gélatinobromure d’argent

Jusqu’en 1871, on procédait en deux étapes pour préparer les plaques photographiques. Le verre était d’abord enduit d’un liant (albumine, collodion, etc.) contenant un halogénure (iodure, bromure, chlorure) puis immergé dans une solution de nitrate d’argent. Celui-ci en pénétrant cette couche réagissait avec les sels pour former un halogénure d’argent photosensible. En 1871, Richard Leach Maddox fit l’expérience d’enduire directement une plaque de verre d’un mélange de ces différents composants (gélatine, bromure de potassium et nitrate d’argent) qu’on appellera l’émulsion au gélatinobromure d’argent. Ce procédé comportait de nombreux avantages. Il permettait par exemple de diminuer le temps de pose et donc de prendre des clichés dits « instantanés ». Les anciennes plaques devaient être traitées alors qu’elles étaient humides tandis que celles-ci s’utilisaient sèches. Les conditions étaient donc réunies pour une fabrication industrielle et une commercialisation dans le monde entier par de grandes sociétés (Lumière, Agfa).
Références bibliographiques

  • Aubenas, Sylvie. Les photographies du XIXe siècle dans les bibliothèques. BBF, 1989, T 34, n° 5, p. 436-443.
  • (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes / Bertrand Lavédrine ; avec la collaboration de Jean-Paul Gandolfo et de Sibylle Monod ; préface de Michel Frizot, Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2008.

Filière combinée à Sablé

Depuis 2000, ces plaques sont confiées au Centre Joël-Le-Theule afin d’y être cataloguées, parfois restaurées, reproduites et numérisées. Elles ont d’abord été signalées dans une base Access® (2000-2002) puis dans Opaline, catalogue des collections spécialisées de la BnF, (2002-2006) et enfin dans le catalogue général de la BnF(depuis 2007). L’indexation de ce fonds permet un accès à des thèmes dont l’intérêt est manifeste auprès d’un public très large. Ces thèmes principaux concernent le sport, les grands événements : inondation de Paris de 1910 – exemple cité dans la Lettre de Gallica de janvier 2010 ; guerre 14-18 ; expositions internationales ; portraits d’hommes célèbres (hommes politiques, écrivains…). Les plaques portent au dos une légende succincte et parfois une date. Pour compléter la notice, de nombreuses recherches sont effectuées notamment dans « Le Petit Parisien », journal pour lequel l’agence travaillait. À ce jour, 30 000 notices ont été créées.

Des documents fragiles

Si les négatifs sur plaque de verre au gélatinobromure d’argent se sont plutôt bien conservés, on observe malgré tout quelques dégradations physiques courantes : rayures, cassures ou fêlures du verre et décollement de la couche de gélatine. Les dégradations chimiques (oxydation de l’image, jaunissement, miroir d’argent) sont communes à tous les procédés gélatino-argentiques. Il faut parfois « restaurer » des plaques de verre que l’on découvre en plusieurs morceaux.

« Restauration » d’un négatif sur plaque de verre cassée en multiples morceaux

Les 75 morceaux ont tout d’abord été dépoussiérés avec une petite brosse douce et antistatique.

Sur table lumineuse, reconstitution du puzzle. Les éléments sont disposés côté gélatine au dessus, sur une plaque de verre (épaisseur 21/10e).

Comblage et ajustage des lacunes réalisées en carton de conservation dont l’épaisseur est égale ou légèrement inférieure à celle de la plaque de verre.

Après avoir déposé au dessus une deuxième plaque de verre plus fine (épaisseur 11/10e), le montage type « sandwich » est maintenu au pourtour par un adhésif (Filmoplast P 90®).

Vue d’ensemble après restauration. Le document est prêt pour la numérisation.

Boîte de conservation réalisée en polypropylène alvéolaire (épaisseur 4 et 2 mm), assemblée avec un adhésif polyester double face ; charnière en toile adhésive (Filmoplast SH®).

Transfert de support

Plus de 25 000 plaques de verre de format 13 x 18 ont été microfilmées entre 2000 et 2006. La plaque était posée sur une table de verre lumineuse dans un cadre et photographiée à l’aide d’un Nikon Reflex ®. On utilisait un film T-max ®, 35 mm en demi-teinte. À partir de la matrice positive, 2 copies étaient réalisées lors de la duplication : une négative et une positive. Ces microfilms sont actuellement en cours de numérisation.

En 2007, le microfilmage a été remplacé par la numérisation. Le matériel nécessaire comprend une table lumineuse (30 x 40 cm) équilibrée à 5500 degrés Kelvin ainsi qu’un numériseur I2S équipé du logiciel d’acquisition Suprascan®. Les images en niveaux de gris sont au format TIFF en 600 dpi et numérisées côté émulsion. Lors de la post-production, plusieurs opérations sont effectuées. Dans un premier temps, on rétablit le sens de lecture puis on inverse la polarité. Le choix a été fait de livrer les fichiers uniquement en positif, ce qui apporte un confort de lecture accru sur Gallica.

Perspectives

Ce fonds est plébiscité par les lecteurs, ravis de pouvoir le consulter sur Gallica.

La reproduction de la série chronologique qui s’achève en 1919 est sur le point d’être terminée. Pour la suite, plusieurs options sont à l’étude.