Restauration d'empreintes au graphite sur papier de gravure

dans Actualités de la conservation, n° 27, janvier-juin 2008
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Noëlle Choublier-Grimbert, Eric Laforest, Archives nationales de France

Historique

En 1855, Ferdinand Guilhermy, sous l’impulsion du ministre de l’instruction publique Hippolyte Fortoul, est chargé de la publication d’un ouvrage intitulé: «inscriptions de la France du Ve au XVIIIe Siècles». C’est une somme de documents historiques, littéraires et archéologiques sur lesquels fonder l’histoire de France, initiative qui s’inscrit dans une politique de retour aux sources fondatrices de l’identité nationale. Guilhermy initie une campagne de collecte systématique de relevés par estampages de monuments épigraphiques de la France entière par l’intermédiaire de sociétés savantes, de bibliothécaires, d’archivistes ou d’architectes diocésains. Le recours au volontariat se révèle infructueux et il fait alors appel à Charles Fichot pour relever les estampages et illustrer l’ouvrage.

Les objets

Les empreintes au graphite collectées par M.Guilhermy se présentent sous la forme de rouleaux de longueurs et de diamètres différents. Les seules interventions connues sur ces pièces, postérieures à celles des équipes de Guilhermy, ont été leur conditionnement dans des boîtes de conservation peu adaptées à ce type de support. Ces rouleaux de papier vélin industriels de très faible grammage (inférieur à 30 gr/m²) sont recouverts de graphite sur la totalité de la surface, ils sont roulés sans support et serrés les uns contre les autres. Leurs dimensions vont du format «carte postale» au format «affiche». La typologie des dégradations mécaniques subies par ces objets est en relation évidente avec leur mode de conditionnement: écrasements, pliages intempestifs, déchirures et lacunes les rendent inconsultables et surtout impropres au programme de reproduction photographique prévu. Le tracé au graphite, à l’inverse, est dans un état de conservation correcte: aucune pulvérulence ou transfert des pigments, perte de densité ou mutation chromatique ne sont constatés. Le papier n’est pas altéré par ce type de pigment. La prise d’empreinte dans les années 1850, par frottement ou tamponnage à l’aide de pochons chargés de graphite sur un papier humide appliqué sur les gravures, s’est avérée d’une grande simplicité et précision. Cette technique met bien en valeur l’intérêt épigraphique de l’entreprise de Guilhermy.

Traitements

Les choix pour le traitement de ces objets à l’atelier des Archives nationales mettent en valeur divers critères: un grammage exceptionnel au regard de certains formats (bien inférieur, par exemple à celui des affiches lithographiques tirées en série à la même époque); le recouvrement systématique par le graphite de la totalité de chaque document; la grande hétérogénéité dans les dimensions des documents à traiter simultanément; enfin et surtout leur nombre: environ un millier de pièces.

L’option retenue est un renfort et une mise à plat des documents par doublage systématique sur cadres sérigraphiques, des incrustations de papier japonais aux parties lacunaires, puis une légère remise au ton et un reconditionnement adapté.

Le cadre sérigraphique utilisé comme support de doublage présente une grande souplesse d’utilisation malgré une relative fragilité. Une progression régulière du séchage, analogue à celle des karibari (due à la porosité du support de doublage et à la libre circulation de l’air) rend possible une mise en tension sans aucune contrainte aux marges. Cela évite ainsi tout risque de rupture des matériaux, toujours à craindre sur des châssis ou des fonds tendus classiques, à ce niveau de grammage du document. Enfin, ces cadres permettent le traitement en série de grands formats à faible coût dans un atelier non spécialisé.

La qualité du papier japonais utilisé ici pour le doublage n’est plus à démontrer ici. Quels que soient le grammage ou le type de fibre constitutif, allié à la colle d’amidon ou à la klucel G®, leur résistance à la rupture à l’arrachement et à la pliure est exceptionnelle. Ici le doublage est effectué à la colle d’amidon diluée à 1 pour 3, cuite et tamisée (70gr de matière sèche pour 300 ml d’eau environ) et diluée de nouveau en fonction de l’utilisation jusqu’à 200gr/ litre.

À noter que la pose des très grands formats s’est faite à l’aide de rouleaux de polyester disposés sous le document et sur le support de doublage encollé. Cela permet un marouflage partie par partie, plus sûr pour ces «papiers à cigarette» d’un mètre carré. Ainsi le papier prend sa place sur la colle sans ondulation excessive et facilite les manipulations sur le graphite humide.