Les 18es rencontres Physique et interrogations fondamentales (PIF) questionnent la notion du vide, souvent défini comme étant ce qui reste quand on a tout enlevé.
Au mot « vide » les dictionnaires attribuent des significations fort différentes et les individus des valeurs parfois opposées : le vide qu’on fait autour de soi n’a guère à voir avec la sereine vacuité bouddhiste ; celui que réalise un tube « à vide » n’est pas comparable au vide psychologique ressenti par qui s’ennuie ; et le vide, à la fois rempli d’air et vertigineux, si redouté par l’acrophobe et désiré par l’alpiniste, paraît terriblement plein à l’astrophysicien qui considère le milieu intersidéral. Quant au vide « quantique », c’est un milieu spécial, où se côtoient toutes sortes de virtualités concevables, truffé d’étranges particules à la fois présentes sans être réelles, mais virtuelles… Pour ne rien simplifier, les philosophes s’en sont mêlés, dès les débuts de leur quête de sagesse, voilà près de 2 600 ans. À les en croire, le vide posséderait l’ontologie spectrale d’un arc-en-ciel : tantôt il est irréel, irreprésentable, impossible à penser, comme une réification impossible du néant ; tantôt il est une « présence raréfiée jusqu’à l’absence », une « déréalisation de l’être », sorte d’éther à la fois pleinement existant et dépourvu de toute matérialité. Blaise Pascal, en 1647, écrivit à ce sujet qu’« il y a autant de différence entre le néant et l’espace vide, que de l’espace vide au corps matériel ; et ainsi l’espace vide tient le milieu entre la matière et le néant. » Le vide se trouve ainsi mis en ballottage existentiel, un pied dans la réalité, l’autre dans son absence. Dans son Traité du vide, le philosophe estimait que si les philosophes des temps anciens avaient conclu que la nature a en horreur le vide au point de ne pas en tolérer l’existence, c’est qu’ils n’avaient jamais pu faire l’expérience contraire. Il faut créer le vide pour en comprendre le mode d’existence, c’est-à-dire pour savoir « de quoi le vide est-il plein ? »
En s’inspirant de cet illustre devancier, et en réunissant physiciens et spécialistes d’autres disciplines, quelles leçons pouvons-nous tirer des expériences contemporaines du vide ? Après un retour sur l’évolution des conceptions physiques et philosophiques du vide par le physicien Étienne Klein, président de la rencontre, la philosophe Laurence Devillairs reviendra sur l’ambigu statut du vide, ni être, ni néant, chez Pascal, né il y a quatre siècles. Puis se succèderont les interventions du mathématicien Frédéric Jaeck sur l’ensemble vide, du physicien Serge Reynaud sur les fluctuations dans le vide quantique, et de l’astrophysicienne Maryvonne Gérin comparant la qualité des vides naturels observés dans l’espace et artificiels créés sur Terre.
Cette journée s’achèvera par une table ronde qui discutera l’élargissement de la notion à d’autres disciplines et cultures : que désigne la métaphore du sentiment de « vide » en psychologie ? Y a-t-il des analogies probantes entre le vide manipulé par les géomètres de l’ancienne Chine et la philosophie taoïste ? Plus généralement, quels sont les points de contact et de tension entre les conceptions occidentales et orientales du vide ? Tels seront quelques-uns des enjeux conceptuels qui seront soulevés au cours de cette journée, bien pleine, consacrée au vide.
Programme
9 h 30 - Ouverture par la BnF et la Société française de physique (SFP)
Par Laurence Engel, présidente de la BnF, et Daniel Rouan, président de la SFP
10 h - Introduction : De quoi le vide n’est-il pas le nom ?
Par Étienne Klein, physicien, CEA
11 h - Pascal. Le vide : ni être ni néant
Par Laurence Devillairs, philosophe, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Pause déjeuner
Séance de dédicace
14 h - L’ensemble vide
Par Frédéric Jaeck, mathématicien, université d’Aix-Marseille
14 h 40 - Fluctuations dans le vide quantique
Par Serge Reynaud, physicien, laboratoire Kastler Brossel
15 h 20 - Qui a le meilleur vide ?
Par Maryvonne Gérin, astrophysicienne, CNRS
16h - Pause
16 h 30 - Table-ronde : Les mots pour le vide
Avec Déborah Ducasse, médecin psychiatre, CHU Montpellier, Romain Graziani, philosophe, ENS Lyon, et Charlotte Pollet, philosophe, National Yangming ChiaoTung University
17 h 30 - Diffusion de courts-métrages
Les Rencontres PIF
Co-organisées par la Société française de physique et la Bibliothèque nationale de France, les rencontres PIF, qui se tiennent tous les deux ans, visent à confronter les points de vue de spécialistes de formations différentes sur un thème lié aux grandes questions de la science contemporaine.
Avec le soutien du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Voir cet événement
Cet événement sera diffusé sur notre chaîne Youtube et sur cette page le 18 novembre à 9 h 30.
Informations pratiques
Entrée gratuite – Réservation conseillée
Il est recommandé de se présenter en avance (jusqu’à 20 minutes avant la manifestation)
date et Horaires
Samedi 18 novembre 2023
9 h 30 - 18 h
Accès
Bibliothèque François-Mitterrand – Grand auditorium
Entrée Est, face rue Émile Durkheim
Paris 13e