Aux marionnettes rien d'impossible

Une centaine de marionnettes issues des collections de la BnF sont présentées au Centre national du costume et de la scène, à Moulins, dans le cadre de l’exposition La marionnette, instrument pour la scène. L’occasion d’explorer les multiples facettes de l’art marionnettique.

 

La Bibliothèque nationale de France conserve une des plus importantes collections de marionnettes sur le territoire national ainsi que des fonds d’archives et une abondante documentation sur cet art. Ce patrimoine exceptionnel, conservé au département des Arts du spectacle, réunit plus de 1 500 objets marionnettiques de toutes natures, du XVIIIe siècle à nos jours. L’exposition présentée à Moulins est l’occasion de partager avec le public une sélection de près de cent pièces – marionnettes, décors, maquettes, photographies – et de les confronter avec des esthétiques contemporaines venant de compagnies encore en activité.

Dom Carlos, frère d’Elvire, marionnette pour Dom Juan de Molière par la Compagnie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin, 1976, plexiglas, résine translucide, fer. Département des Arts du spectacle - BnF

Un art sans limites

Avec les arts de la marionnette, tout semble possible. Les limites inhérentes au théâtre et au corps de l’acteur peuvent aisément être dépassées, on peut s’attendre à tout. Dans leurs ateliers et leurs salles de répétition, les marionnettistes et leurs équipes artistiques imaginent des instruments pour la scène d’une diversité époustouflante. Au-delà des techniques traditionnelles, déjà très variées, de la marionnette à gaine, à fils ou à tiges, on fabrique des instruments à clavier ou à prise directe, des marionnettes à doigts, des silhouettes découpées, on joue avec des matières – papier, craie ou cire – et des objets du quotidien. Dans le processus de création, la marionnette elle-même devient source d’inspiration et forme avec son créateur et le public un trio dynamique propice à l’avènement des multiples spectacles.

Il est dès lors possible, comme le propose le parcours de l’exposition, « de voler de ses propres ailes, de manipuler la matière, d’aller à l’essentiel, de tendre vers l’abstraction, de tout mettre à plat, d’être tout chose – avec le théâtre d’objets –, de défier l’apesanteur, de confondre les corps, de jouer des mécaniques, de changer de règne – de l’humain vers l’animal ou le végétal – voire de partager le plateau ». Ce potentiel foisonnant ne peut devenir spectacle que s’il trouve sa place, dans un castelet traditionnel ou revisité, sur un plateau nu ou dans l’espace public, avec des manipulateurs cachés ou à vue. Là aussi les formules sont nombreuses et sans cesse renouvelées. Les marionnettes par leur plasticité, par l’émotion et l’imaginaire qu’elles font naître ont ce pouvoir rare – magique ? – de toucher le public au plus intime, et de le faire passer de l’émerveillement à la contestation, du rire à la sidération, du grotesque à la grâce, en l’espace d’un instant. Toutes inanimées qu’elles sont, elles disent beaucoup de notre humanité.

Joël Huthwohl

Article paru dans Chroniques n° 98, septembre-décembre 2023