Centenaire de Frédéric Dard

 « Bon anniversaire, San-Antonio ! » Enfin… nous devrions plutôt dire « Bon anniversaire, Frédéric Dard ! », vous qui avez vu le jour il y a cent ans, le 29 juin 1921.
 
Mais l’assimilation à son héros, Antoine San-Antonio, en n’oubliant surtout pas le tiret, sinon gare aux mânes furibonds de l’auteur « énaurme », prolifique, désopilant, unique en son genre, tel une sorte de Rabelais du 20e siècle, est si totale qu’on a fini par attribuer à l’auteur le nom de son personnage si populaire. De même que le Général de Gaulle a prétendu n’avoir qu’un concurrent mondial, Tintin, de même Frédéric Dard s’est vu quelque peu détrôné par son héros, lui-même inspiré par un véritable commissaire de la Croix-Rousse, à Lyon, Grégory Alexinsky. De la puissance des mythes…

Actualité éditoriale

La bonne surprise de ce centenaire, c’est la parution, au Fleuve, son éditeur d’origine, d’un volume de nouvelles parmi lesquelles des inédites : Des nouvelles de moi, édition établie par Alexandre Clément, où tous les genres apparaissent, bien au-delà du seul polar. C’est aussi la clôture de la mirifique et impressionnante édition chez Bouquins, par ce 21ème et dernier volume (le dernier titre étant écrit en partie avec son fils, Patrice Dard, continuateur de l’œuvre de son père) d’une entreprise éditoriale commencée en 2010 : 175 romans censément rédigés par notre commissaire joyeux drille et grand séducteur, et plus de 20 000 pages tonitruantes et hilarantes !

Une inventivité inouïe

Frédéric Dard a écrit bien d’autres œuvres, mais San-Antonio domine le massif. Pour rester dans les grands nombres, on a pu calculer que Dard a inventé rien moins que 10 000 mots, car à côté d’un fin observateur social, ce qui reste de ce monstre littéraire, c’est une inventivité, une outrance langagière proprement inouïes. En parcourant des listes ahurissantes de ses inventions, entre autres de noms propres, est apparu une petite ville… : Le Corona, capitale de l’île de Cuho, dans Ménage tes méninges (1962).
Quand on vous dit qu’il a tout pensé ! Une nouvelle fois, rappelons la célèbre formule, la plupart du temps mal citée, de Buffon : « Le style est l’homme même ». Peut-on imaginer un auteur qu’elle pourrait illustrer davantage et mieux que notre héros national de la truculence tendre, célébré partout ces jours-ci et par tant d’écrivains plus « sérieux »… ?
Comme il le disait si malicieusement : « Je t’envie, moi dont le drame est de n’avoir jamais eu un seul San-Antonio à lire ! »
Monique Calinon

à lire dans la salle H

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