Dans l’atelier de Catherine Meurisse
Autrice de bande dessinée, dessinatrice de presse et illustratrice pour la jeunesse, Catherine Meurisse inaugure la nouvelle série de masterclasses littéraires coproduites avec France Culture et le Centre national du livre.
Elle a ouvert à Chroniques la porte de son atelier. Rencontre.
C’est une vaste pièce très claire qui accueille quatre espaces de travail : tables de grand format, étagères, écrans d’ordinateurs, pots à crayons et à pinceaux, encres, papiers côtoient des images épinglées un peu partout et, bien sûr, des livres. « Je dessine ici tous les jours, confie Catherine Meurisse. J’ai longtemps travaillé chez moi, notamment quand j’étais à Charlie Hebdo, et aujourd’hui je n’ai plus envie d’être seule, je suis contente d’être entourée. Nous sommes quatre dessinateurs à travailler ici, chacun dans son domaine. Tout ce que j’utilise est là. »
Pour son dernier album La Jeune Femme et la mer (Dargaud, 2021), Catherine Meurisse a été inspirée par un séjour en résidence effectué au printemps 2018 au Japon. C’est là qu’elle a mis le point final à l’album Les Grands Espaces, récit de son enfance à la campagne et de sa découverte de la beauté de la nature. « J’ai vécu au Japon un moment proustien de réminiscences de paysages du Poitou au sein d’une nature totalement différente », sourit-elle. De la villa Kujoyama, elle est revenue avec quelques carnets de croquis, de très nombreuses photographies et un herbier réalisé lors de ses promenades. Mais ce n’est que deux ans plus tard que le projet prend forme. « Pendant le premier confinement, je venais travailler dans l’atelier. Je me suis servie de tous ces matériaux accumulés au Japon, alors que je ne savais pas quel album j’allais écrire. Le livre se forme très tôt en soi, sans que l’on en soit conscient. J’aime beaucoup ce moment où je commence à écrire l’histoire et où se mêlent un travail rigoureux d’écriture et, en même temps, des images qui refont surface très naturellement. »
Au point de départ de l’album, il y a de très nombreuses notes, de sources diverses. Parmi elles, Catherine Meurisse cite le roman Oreillers d’herbes de Natsume Soseki qu’elle a décortiqué chapitre après chapitre. Puis elle écrit le scénario. « Et c’est alors que je peux entrer dans les détails, par exemple des personnages, en intégrant des éléments de documentation, comme ce recueil où j’ai puisé des haïkus que j’ai adaptés. Une fois que je passe au storyboard, le rythme se cale assez vite. Pour les personnages, je réalise de petits croquis qui visent à poser une attitude, ébaucher un geste, d’un trait assez vif, nerveux. Les décors, beaucoup plus détaillés, réalisés à l’encre et au fusain, permettent de ménager des moments de respiration, voire de contemplation. » Les planches réalisées ont ensuite été transmises à la coloriste Isabelle Merlet, qui les a mises en couleurs numériquement, en dialogue constant avec l’autrice. « Je profite de mes albums pour réfléchir au dessin et apprendre, dans l’espoir de continuer à m’améliorer », confie encore Catherine Meurisse. C’est cette réflexion sur la fabrique de son écriture, mais aussi sur bien d’autres sujets en lien avec son processus de création, que l’autrice viendra mettre en lumière lors de la masterclasse du 18 janvier.
Sylvie Lisiecki
Entretien paru dans Chroniques n° 93, janvier-mars 2021