Dans les coulisses de l’édition phonographique

Depuis 2012, le département Son, vidéo, multimédia de la BnF a entrepris de réaliser une série d’entretiens avec des éditeurs de disques qui témoignent de leur parcours professionnel. Un matériau inédit sur l’histoire de l’édition phonographique, encore très peu documentée, et une occasion de découvrir des personnalités et des itinéraires singuliers. Chroniques a rencontré l’un des initiateurs du projet.

 
Disque Vinyle - D.R.

 

Chroniques : Comment le projet des entretiens sur l’édition phonographique est-il né ?

Jean-Rodolphe Zanzotto : Je travaillais au dépôt légal de la BnF, quand j’ai vu arriver un jour un monsieur d’allure assez pittoresque, longs cheveux blancs et chapeau, muni d’une valise en carton. Il s’est excusé d’avoir mis si longtemps à venir et a ouvert sa valise, contenant une cinquantaine de disques qu’il venait faire enregistrer au dépôt légal. C’était Gérard Terronès, l’un des premiers éditeurs à fonder en 1969 un label de disques centré sur les musiques improvisées et le free jazz en France, Futura records. Mais sa carrière est loin de se résumer à cela : il a été aussi gérant de salles de concerts, distributeur de disques, organisateur de tournées, animateurs d’émissions de radio, chroniqueur pour le magazine Jazz hot… Une vie haute en couleurs, comme le personnage lui-même. De cette rencontre est née l’idée de conserver des témoignages de personnalités du monde de l’édition phonographique en leur laissant tout le temps de s’exprimer.

Comment avez-vous travaillé pour préparer ces entretiens ?

Nous avons sélectionné une liste de noms représentatifs de tous les genres musicaux en privilégiant les labels indépendants et les parcours atypiques. Ensuite, avec ma collègue Chloé Cottour, nous avons fait des recherches sur le parcours de chaque éditeur et sur sa discographie. Les enregistrements, d’une durée de 3 à 7 heures, réalisés par l’ingénieur du son Luc Verrier, ont été séquencés pour mettre en avant les éléments essentiels. Il en existe actuellement une trentaine, tous en ligne dans Gallica (c.bnf.fr/L2l). On peut y entendre par exemple Jean Karakos, qui a été l’un des découvreurs du rap en Europe, ou Helyett de Rieux qui, sous les labels Decca et RCA, a beaucoup œuvré à la diffusion d’artistes comme Fernandel, Sylvie Vartan, Bernard Lavilliers mais aussi les Rolling Stones ou Paul Anka.

À qui ces entretiens sont-ils destinés ?

Ils s’adressent surtout aux chercheurs, en ce qu’ils permettent de garder une trace de l’histoire de l’édition phonographique dans le contexte des années 1960 et 1970 ‒ qui ont vu émerger de nouveaux courants musicaux, du free jazz au punk rock en passant par les musiques du monde, le rock psyché-délique, ainsi que de nouveaux artistes de la chanson française comme Jacques Higelin ou Brigitte Fontaine. Parmi eux, Alain Chamfort, qui a travaillé avec de multiples labels, raconte dans un des entretiens son itinéraire personnel ainsi que le fonctionnement et la vie des maisons de disques en France du milieu des années 1960 jusqu’à aujourd’hui.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

Entretien paru dans Chroniques n° 94, avril-juillet 2022