Georges Lavaudant : du texte à la scène

Le metteur en scène Georges Lavaudant, acteur majeur du théâtre contemporain depuis les années 1970, a fait don de ses archives à la BnF. Désormais conservé au département des Arts du spectacle, le fonds est accessible aux chercheurs.

 

Né à Grenoble, Georges Lavaudant assiste au mouvement de décentralisation culturelle qui donne naissance à la Comédie des Alpes et à la Maison de la Culture de Grenoble. Étudiant en lettres, il découvre le théâtre avec les stages Jeunesse et sport animés par Gabriel Cousin et en 1968, rejoint la troupe du Théâtre Partisan. Rapidement, il quitte le rôle d’acteur pour endosser celui de metteur en scène. De ces premières expériences de théâtre collectif, « Jo » Lavaudant garde un attachement très fort à la troupe en tant que lieu d’échange, de discussion et d’expérimentation. Ses créations sont remarquées et la reconnaissance ne se fait pas attendre : en 1976, il est nommé codirecteur du Centre dramatique des Alpes. En 1981, il rejoint la Maison de la Culture de Grenoble et en 1986, il succède à Patrice Chéreau au Théâtre national populaire de Villeurbanne, aux côtés de Roger Planchon jusqu’en 1996. Après avoir dirigé ensuite le Théâtre de l’Odéon jusqu’en 2007, il est actuellement à la tête de la Compagnie LG Théâtre.

Le Roi Lear de William Shakespeare, mise en scène de Georges Lavaudant, Paris, Odéon - Théâtre de l’Europe,1996 - Photo Daniel Cande

Réduire les textes à leur quintessence

Dossiers documentaires, notes manuscrites, dialogues annotés mettent en évidence la particularité du travail de Georges Lavaudant sur les textes, qu’il réduit à leur quintessence pour se les réapproprier. S’il entretient un lien étroit aux grands classiques du théâtre – Shakespeare, Musset, Büchner, Pirandello, Brecht –, il se tourne également vers des auteurs de sa génération, parmi lesquels Jean-Christophe Bailly ou Le Clézio. Il met enfin en scène ses propres pièces, qui font la part belle à la déconstruction de la structure narrative et à la technique du collage.

Créer une alchimie sur le plateau

Épuré, le texte n’est qu’un élément de la composition du tableau scénique. L’originalité du travail de Lavaudant, révélée par un riche ensemble de tirages photographiques, est aussi sur le plateau, dans l’alchimie créée entre le décor unique, les costumes, la lumière et la forte présence physique des acteurs. Décor et costumes sont immanquablement confiés à Jean-Pierre Vergier, son collaborateur de toujours ; lui se charge personnellement du travail sur la lumière et les couleurs. Les objets enfin ont un rôle central : rares mais toujours signifiants, souvent repris d’un spectacle à l’autre, ils inscrivent le spectacle dans le réel.

Un théâtre hybride

De Jean-Luc Godard à Edward Hopper en passant par Pina Bausch, Georges Lavaudant invoque des influences artistiques multiples qui révèlent une attirance constante pour la déconstruction, la cohabitation du réel et du rêve et une esthétique qui réserve la part belle à la lumière : « J’ai toujours été dans un théâtre hybride, entre le music-hall et la philosophie, explique-t-il dans L’Archipel Lavaudant en 1997. […] Mon théâtre est le théâtre de la bâtardise, un théâtre métis. Je n’ai jamais pu me résoudre à ce que le théâtre s’exprime sur un seul registre. » Le don de ses archives à la BnF offre aux chercheurs la possibilité d’explorer ce théâtre singulier sous des angles nouveaux.

Hélène Keller

Article paru dans Chroniques n° 98, septembre-décembre 2023