L’Enfer de la BnF est une invention du XIXe siècle : sous l’Ancien Régime, on ne parlait encore que d’« œuvres licencieuses ». Mais l’Enfer n’est pas une création autoritaire du Consulat, comme le croyait Guillaume Apollinaire : étrangère à toute décision politique, sa création fut de l’entière responsabilité de la Bibliothèque, qui lui donna son nom sous la Monarchie de Juillet. Pour mieux contrôler leur consultation, les ouvrages dits « licencieux » furent transférés en 1836 auprès des livres rares et précieux. Le sort de ce fonds spécial fut dès lors lié à celui de la Réserve des livres rares, qui en assure aujourd’hui encore la conservation et l’enrichissement.
À la fin des années 1830, l’Enfer comptait environ 150 livres. Il s’enrichit dès lors au gré de saisies judiciaires, de saisies douanières pour les livres importés de l’étranger, ou encore de dons. Plus tard, le dépôt légal et des acquisitions contribuèrent aussi à l’accroissement de la collection.
L’Arétin, Sade, Louÿs, Apollinaire, Bataille, Genet, les maîtres de la gravure érotique, mais aussi de nombreux textes anonymes voisinent sur ses rayons. Ces livres qui peuvent mettre aux uns le feu aux joues, aux autres le rouge au front, étaient rassemblés à l’abri des regards, dans une section distincte dont les conservateurs gardaient spécialement la clé. À partir de 1875, ils furent affectés d’une cote spéciale et éloquente : la cote Enfer, dont le nom portait les promesses de l’interdit et de la transgression plus encore que la crainte des peines.