Le cratère de la collection Hope

Un vase produit dans un atelier d’Athènes entre 475 et 470 avant J.-C. vient d’entrer dans les collections de la BnF grâce aux dons de généreux mécènes. D’une grande rareté, cette céramique dévoile une iconographie singulière.

Grand vase ouvert, le cratère était utilisé dans les banquets pour mélanger l’eau, le vin et les aromates. « Celui qui vient d’être acquis par la Bibliothèque est décoré de figures rouges sur fond noir dont l’auteur est resté anonyme, puisqu’il n’a à notre connaissance jamais signé ses œuvres », précise Louise Détrez, chargée de collections au département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF. Ce sont donc les caractères distinctifs de son style qui permettent de l’identifier : le comte Tyszkiewicz, l’ancien propriétaire d’un cratère en calice de sa main conservé à Boston, a servi de support à son nom de convention. Bien que ce céramiste ait beaucoup produit, les vases décorés par lui conservés en France sont rares : deux musées seulement en possèdent, le Louvre et le musée de Boulogne-sur-Mer, mais il s’agit d’autres formes. Ce cratère à colonnettes est donc le premier du Peintre de Tyszkiewicz à entrer dans les collections publiques françaises, mais aussi le premier vase de l’artiste à rejoindre celles de la BnF.

Attribué au Peintre de Tyszkiewicz, cratère à colonnette attique à figures rouges, vers 475-470 av. J.-C. - BnF, dép. des Monnaies, médailles et antiques

Une iconographie unique

L’intérêt de cette acquisition réside également dans la singularité de la scène représentée. Au début du Vsiècle avant J.-C., époque à laquelle le cratère a été réalisé, on assiste à une floraison d’images qui mettent en scène Déméter, la déesse de l’agriculture, et sa fille Perséphone. La déesse préside au départ de Triptolème, fils du roi d’Eleusis, monté sur un char ailé, une gerbe d’épis de blé à la main, à qui elle a confié la mission d’aller enseigner aux hommes la culture des céréales. « Ces images illustrent le renouveau du culte de la déesse de l’agriculture, réputée avoir aidé les Grecs combattant contre les Perses dans le contexte des guerres médiques, poursuit Louise Détrez. Elles expriment aussi le rôle civilisateur de la cité. Dans le cas de notre cratère, c’est Déméter elle-même qui figure à bord du char ailé. C’est une iconographie tout à fait unique ! »

Une provenance exceptionnelle

Autre particularité notable de ce cratère : il a appartenu à une collection mythique, celle de Thomas Hope (1769-1831), provenance retrouvée par le galériste qui l’a mis en vente, Antoine Tarantino. Fils d’un banquier hollandais, le collectionneur Thomas Hope est resté dans les mémoires comme une sorte d’arbitre des élégances par son goût et son raffinement. Il avait installé ses quelque 1 500 vases dans sa demeure de Duchess Street à Londres, elle-même considérée comme une véritable oeuvre d’art. Après son décès, ses héritiers ont poursuivi la collection avant que la famille ne connaisse des revers de fortune et que l’ensemble ne soit dispersé.

Ce remarquable cratère a pu être acquis, en grande partie grâce au généreux mécénat de la Fondation Andreas Mentzelopoulos ainsi que de la Fondation Gandur pour l’art, auquel s’est ajouté un effort exceptionnel de l’établissement. Il vient enrichir la collection de vases du département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF, l’une des plus anciennes et des plus importantes en France.

 

Sylvie Lisiecki

Article paru dans Chroniques n° 97, avril-juillet 2023