Le tour du monde en 2 585 briques
Au printemps dernier, une équipe de magasiniers du département des Cartes et plans a consacré une matinée au montage d’un globe Lego destiné à rejoindre les quelque 400 autres globes terrestres et célestes conservés à la Bibliothèque. Chroniques a suivi ce chantier collectif inédit.
Dans la salle des Vélins du site Richelieu, on entend le cliquetis des briques de Lego qui s’entrechoquent. À quelques pas de l’un des globes terrestres de Coronelli, fleuron des collections du département des Cartes et plans, une demi-douzaine de magasiniers assemblent le globe édité récemment par l’entreprise Lego. Deux globes, deux ambiances.
Une tradition de collecte d’objets atypiques
Le set de 2 585 pièces est entré dans les collections du département des Cartes et plans au titre du dépôt légal. Chaque année, la BnF reçoit en moyenne 2 000 documents cartographiques de tous types – atlas, plans, globes, guides topographiques, mais aussi quelques jeux. « Le segment documentaire ludique est assez marginal par rapport à la volumétrie de nos collections, note Pierre Bonneau, responsable du dépôt légal au département des Cartes et plans, mais il s’inscrit dans une tradition bien ancrée de collecte d’objets cartographiques atypiques. » Ainsi les jeux de l’oie et lotos géographiques des XVIIIe et XIXe siècles côtoient aujourd’hui dans les réserves du site Richelieu les globes lumineux Nature & Découvertes, les puzzles Ravensburger ou Juratoys et les magnets Départ’ aimants Le Gaulois.
Souvenirs de Lego
« Il y a parmi nous plusieurs passionnés !, raconte Julie Garel-Grislin, cheffe du service Conservation du département. Quand on a su que Lego nous donnait deux exemplaires, on a décidé de garder un globe en pièces détachées et d’assembler l’autre en équipe, pour le conserver monté. » Mais le département est alors accaparé par un déménagement historique : ses 14 kilomètres linéaires de collections font l’objet de transferts vers le site Richelieu rénové. D’autres chantiers prioritaires suivent la réouverture du site au public en 2022, comme le reconditionnement de toutes les cartes conservées en rouleaux.
Il aura donc fallu attendre deux ans avant que les quatre magasiniers volontaires s’attellent au montage sous la direction de leur chef d’équipe, Matteo Soldini. « Aujourd’hui, c’est un peu Noël ! », sourit Alba Salto, chargée avec Maël Philippot de la bande équatoriale et de l’hémisphère Nord. En face d’eux, le binôme qui s’apprête à assembler le socle évoque ses souvenirs de Lego – le Poudlard Express pour Théodora Petrogiannis, les Star Wars pour Thomas Sarrazin qui raconte avoir « passé une partie de [son] enfance à monter et démonter le X-Wing Fighter de Luke Skywalker ».
L’épais manuel de montage (230 pages) estime à sept heures le temps de construction du globe pour une personne seule. Il faudra à l’équipe réunie ce jour-là un peu plus d’une matinée pour en venir à bout. L’assemblage final des fuseaux et l’installation sur le socle se font dans un silence concentré, bientôt rompu par les applaudissements des collègues : « Il y a même un petit bateau ! Et une rose des vents ! » Le dernier globe terrestre entré dans les collections de la BnF est prêt, il peut rejoindre sur les rayonnages ses semblables, dont l’un des plus anciens, le « Globe vert », a été assemblé il y a cinq siècles.
Mélanie Leroy-Terquem
Article paru dans Chroniques n° 101, septembre-décembre 2024