Vassilis Alexakis (1943-2021)

Vassilis Alexakis - © éd. Metaichmio
Né en décembre 1943 à Athènes, l’écrivain franco-grec Vassilis Alexakis est décédé dans sa ville natale le 11 janvier 2021.
Après un premier séjour à Lille où il était venu suivre une formation de journalisme, il s’était installé en France en 1969, fuyant la dictature des colonels qui sévissait dans son pays, et y demeura durant quarante ans avant de retourner en Grèce.

Journaliste et homme de radio

Peu de temps après son arrivée à Paris, il entra comme pigiste au journal Le Monde auquel il livra régulièrement des critiques pour le supplément du Monde des livres : facétieux, il était fier de rappeler qu’il était né la même année que le quotidien – journal lu et admiré par tous les Grecs francophones. Il fut aussi l’un des membres les plus actifs de l’émission de radio Des Papous dans la tête sur France Culture, ainsi que dramaturge et réalisateur.

Entre deux pays, entre deux langues

Vassilis Alexakis se définissait lui-même comme « émigré » : « Quand tu vis à Paris depuis 1969, la Grèce est devenue à tes yeux un lieu mythique. Quand tu y retournes alors que le pays est en pleine crise, l’atterrissage est rude. J’ai compris que le pays n’était pas celui où je me baignais à Tinos [île des Cyclades] l’été », déclare-t-il dans une interview au journal Ef.Syn en 2016.
De fait, tout son parcours d’écrivain est marqué du sceau de l’entre-deux pays, de l’entre-deux  langues. Il suffit de parcourir ne serait-ce que les titres des romans pour entendre la prégnance de cette problématique du déplacement et de l’appartenance : Paris-Athènes, La langue maternelle, Les mots étrangers ou encore L’enfant grec. Écrivain grec, Vassilis Alexakis écrit en français. C’est le cas de son premier roman, Le Sandwich, qui paraît en 1974. C’est à partir de Talgo que le mouvement s’inverse : le manuscrit a d’abord été rédigé dans sa langue maternelle, puis Alexakis l’a traduit en français quand est venu le moment de la publication. Un tel cheminement faisait le bonheur des chercheurs qui travaillent sur la question de l’autotraduction (lire également ici).

Humour et mélancolie

Les romans de Vassilis Alexakis, largement autobiographiques, célèbrent l’amitié et les rencontres, l’inventivité et l’humour, un humour toujours empreint de tendresse et jamais avare d’autodérision. Le dernier titre, La clarinette, teinté de mélancolie, centré sur la disparition, celle de l’ami éditeur, met l’accent sur la richesse tout autant que sur la confusion née de cet entre-deux qui a nourri une grande part de son existence :
« J’avais envisagé un texte sur la crise grecque et aussi sur la mémoire. Mon intérêt pour la mémoire avait été éveillé par un oubli : je m’étais rendu compte, soudainement pourrais-je dire, que j’avais oublié le mot clarinette. Étais-je en train de réfléchir en grec ou en français ? Je n’ai pas tardé à constater que je l’avais oublié dans les deux langues. »
Un peu plus loin :

« À vingt ans et quelque, j’étais davantage enclin à rire qu’à pleurer. Ce n’est qu’en renouant avec le dialogue avec ma langue maternelle, à laquelle j’avais pratiquement renoncé pendant dix ans, que j’eus la première fois les larmes aux yeux. »

Et, au moment de quitter la France pour revenir définitivement dans son pays :
« Je ne compte pas me séparer du Grand Robert : je possède un deuxième exemplaire de ce dictionnaire, que j’ai installé dans ma bibliothèque à Athènes. Il connaît tant de mots grecs qu’il me paraît tout à fait heureux à cet endroit. »
Vassilis Alexakis a reçu en France en 1995 le prix Médicis pour La langue maternelle et en 2012 le prix de la Langue française pour l’ensemble de son œuvre, et en Grèce le Grand Prix national du roman en 2017. Il était docteur honoris causa de l’Université d’Athènes.

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