Dans l'atelier de restauration des grands formats

L’exposition Le Monde en sphères présente actuellement des affiches, cartes et globes issus des collections de la BnF. Avant d’y être admirés par les visiteurs, ces documents sont passés entre les mains des restauratrices de l’atelier des grands formats du département des Cartes et plans.
 
Au cœur de l’atelier de restauration du département des Cartes et plans
Au centre de la pièce encombrée de châssis et toiles roulées, Sandy Vegas est penchée sur la célèbre affiche de Leonetto Cappiello, Le Cacao Poulain inonde le monde. Vêtue d’un tablier maculé de tâches de colle, la technicienne d’art choisit avec soin la couleur du crayon susceptible de retoucher les microfissures du papier.
Le « sens de la couleur », partagé fièrement par les trois restauratrices qui composent l’équipe, affleure ici à chaque endroit. Dans les murs tendus de feuilles azur comme dans les pastels, pigments et peintures disposés autour des larges tables de travail.
Dans l’atelier des grands formats
 

Un esprit d’équipe revendiqué

Isabelle Suire et Sandy Vegas
La particularité de l’atelier, fondé en 1967, est de restaurer des objets de grande taille. Il peut s’agir de cartes manuscrites et imprimées, d’affiches, ou encore de portulans ou de globes. Les dimensions hors norme des documents traités induisent un esprit d’équipe revendiqué. « Impossible d’entoiler seule un document de deux mètres de long », remarque Isabelle Suire, cheffe des travaux d’art.
Les restauratrices travaillent ensemble pour manipuler les lourds panneaux métalliques sur lesquels les documents sont traités avant d’être exposés – la préparation des documents avant exposition constituant une part importante de l’activité de l’atelier. Et c’est aussi à plusieurs qu’elles déterminent les protocoles de travail qui font l’objet de réflexions collectives, en lien avec les conservateurs en charge des collections.

 

Les qualités nécessaires pour travailler à l’atelier grands formats ? Le sens de la couleur, la patience, l’esprit d’équipe et… une bonne forme physique : soulever ces panneaux, c’est du sport !

 

Plusieurs métiers en un

Métier physique, la restauration des grands formats nécessite des compétences à la fois artistiques et scientifiques. Passées par l’école Estienne ou l’école de Condé, Isabelle Suire, Sandy Vegas et Mélanie Régis maîtrisent aussi bien l’aérographe et le pinceau que les techniques de désacidification du papier ou le maniement des solvants et des vernis. Tour à tour peintres, chimistes ou calligraphes, elles doivent faire preuve d’une inventivité constante pour résoudre les casse-tête qui leur sont soumis, parfois en provenance d’autres institutions.
 
Globe de Blaeu avant restauration
Le globe terrestre de Blaeu (1622), trouvé éventré dans un abri de jardin, a ainsi été confié en 2012 à l’atelier par la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras. Il a d’abord fallu le démonter puis le remonter « comme un puzzle » pour en reconstituer la structure. Quatre personnes ont ensuite dû intervenir simultanément pour coller et ajuster les fuseaux en papier qui avaient au préalable fait l’objet d’une restauration à plat.
 

Entre rigueur et innovation

Isabelle Suire manipulant un portulan
Ces savoir-faire se transmettent de génération en génération, au sein d’une équipe que l’on rallie par passion. « J’ai visité l’atelier pour la première fois quand j’étais en classe de troisième », sourit Isabelle Suire. Ainsi naît sa vocation : après des études de reliure, elle rejoint la Bibliothèque nationale en 1985. Aujourd’hui responsable de l’atelier, elle a vu le métier se transformer et a assisté à l’émergence de nouvelles techniques.
C’est par exemple le cas de la photogrammétrie : grâce à un logiciel informatique permettant de transcrire une surface courbe en un plan, la photogrammétrie offre de nouvelles possibilités de reconstitution des globes lacunaires à partir de photographies d’autres globes similaires.
Mais si les procédés évoluent, la déontologie demeure. La visibilité et la réversibilité des interventions effectuées, ainsi que l’innocuité des matériaux utilisés sont les vertus théologales de la restauration. C’est dans cet équilibre entre rigueur et innovation, expertise et créativité que se déploie le talent reconnu de l’atelier et de ses membres.