En tangoute dans le texte – Collections

Les riches collections orientales du département des Manuscrits de la BnF conservent des milliers de textes chinois, tibétains, sanscrits ou sogdiens découverts par le sinologue Paul Pelliot dans la grotte de Dunhuang. Parmi ces documents se trouvent plus de 200 manuscrits écrits en Xi Xia – ou tangoute –, une langue morte sino-tibétaine. Présentation de ce fonds méconnu.

 

Manuscrit du fonds Pelliot en langue Xi Xia. Écorce - BnF, département des Manuscrits, Pelliot xixia 946

 

Le royaume Xi Xia – nommé ainsi par les annales officielles chinoises (ou « Xia de l’Ouest ») – a régné sur une large partie du Nord-Ouest de la Chine entre 1038 et 1227 après notre ère. Mais sa population s’appelle les Minyag – terme d’influence tibétaine signifiant « peuple originaire de la région de Minyag ». En Occident, il est souvent désigné par le terme « tangoute », popularisé par Marco Polo qui le nomme ainsi dans Le Devisement du Monde (Il Milione).

Une puissante dynastie chinoise

Les Xi Xia font partie des grandes puissances qui règnent sur la Chine entre le ixe et le xiiie siècle après notre ère, avec les Tang (618-907), les Song du Nord (960-1127) et les Song du Sud (1127-1279), les Liao (907-1125), les Jin (1115-1234), et les tribus Turco-mongoles réunies sous la bannière de Gengis Khan (1155-1227). Les populations de ces différents royaumes et dynasties jouent tour à tour un rôle important dans la gouvernance du Nord-Ouest, notamment à Dunhuang, actuelle ville de la province du Gansu. Ce haut-lieu du bouddhisme en Chine est traversé par la Route de la soie, qui a permis de fructueux échanges commerciaux, culturels, religieux et diplomatiques entre les différents acteurs de cette région.

Un système d’écriture extrêmement complexe

La langue orale tangoute appartient à la grande famille des langues tibéto-birmanes. Les Xi Xia marquent l’histoire de la Chine et du monde en inventant leur propre écriture qui compte plus de 6 000 caractères. Leur morphologie est proche de celle des caractères chinois, mais leur structure graphique et phonétique en fait l’un des systèmes d’écriture les plus complexes au monde. Les documents en Xi Xia rapportés par Paul Pelliot de sa mission en Asie centrale proviennent de l’oasis de Shazhou à Dunhuang. À l’exception d’une planchette de bois calciné où sont tracés 17 caractères, trouvée le 5 juin 1908 parmi les gravats qui jonchaient le sol d’une grotte du site de Shuangdunzi dans l’oasis de Nanhu, tous les documents sont issus des grottes 181 et 182 (numéros actuels 465 et 464) des Qianfodong – ou Grottes aux mille Bouddhas – de Dunhuang.

Des fragments de textes bouddhiques

Cette collection est constituée de 213 pièces, imprimées pour leur grande majorité. Seuls quelques feuillets atteignent la dimension d’une page et beaucoup ne comptent que quelques caractères. Il s’agit de traductions en Xi Xia de sutras bouddhiques ou de textes bouddhiques non canoniques. Ces impressions xylographiques datent pour la plupart de l’époque mongole, certaines peuvent être antérieures. Parmi elles se trouvent plusieurs éléments remarquables : trois fragments d’un sutra calligraphié à l’encre d’or sur papier bleu, plusieurs illustrations fragmentaires dont un frontispice presque complet représentant le Bouddha prêchant, ainsi qu’un beau feuillet complet destiné à être relié « en papillon ». Tous les fragments ne sont pas identifiés et un grand nombre d’entre eux, de trop petite taille, ne le seront sans doute jamais. Par ailleurs, d’autres fragments en Xi Xia provenant de la grotte 181 sont encore conservés dans la série « Pelliot divers grotte 181 » : des opérations de restauration et d’identification de ces fragments ont donné lieu en 2013 et 2014 à des notices consultables dans le catalogue et dans Gallica.

Romain Lefebvre

Article paru dans Chroniques n° 104, septembre-décembre 2025