« Faire vivre et rayonner l’œuvre de Cartier-Bresson »

François Hébel dirige la Fondation Cartier-Bresson, qui est partie prenante de l’exposition Le Grand Jeu. Il revient pour Chroniques sur son histoire et son rôle. 

 

Chroniques : La Fondation Cartier-Bresson est née du vivant du photographe : quelle est sa vocation ?

François Hébel : La Fondation a effectivement été créée en 2003, à l’initiative d’Henri Cartier-Bresson, mais surtout à celle de son épouse Martine Franck. Celle-ci pensait qu’il était très important de sauvegarder ce qu’elle considérait comme l’œuvre d’une vie – œuvre dont elle avait conscience de l’influence majeure sur la photographie moderne. La vocation de la Fondation, reconnue d’utilité publique, est multiple. Elle préserve quelque 30 000 tirages originaux d’Henri Cartier-Bresson validés par sa signature, ainsi que les photographies de Martine Franck, et elle s’attache à les faire vivre et rayonner dans le monde entier. Par exemple, à l’été 2020, nous avons présenté à Taïwan, l’un des rares pays peu atteints par la pandémie, l’exposition Henri Cartier-Bresson - Chine, qui a reçu 220 000 visiteurs !

Henri Cartier-Bresson – Alberto Giacometti, Rue d’Alésia, Paris, France, 1961, épreuve gélatinoargentique de 1973 - © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

La Fondation, aujourd’hui implantée à Paris dans le quartier du Marais, est aussi un lieu d’accueil pour les chercheurs…

Au fil des années, nous avons collecté une quantité remarquable de publications, correspondances et documents d’archives, que nous dépouillons et analysons. Ces ressources sont mises à la disposition des chercheurs qui peuvent venir les étudier dans notre bibliothèque.

Vous vous attachez également à valoriser la photographie en général. Comment cela s’inscrit-il dans vos missions ?

Henri Cartier-Bresson tenait beaucoup à ce que ce lieu soit ouvert à d’autres photographes, notamment ceux qui ont marqué l’histoire de la photographie du xxe siècle. La Fondation s’est donc employée à inviter et exposer des photographes dans nos murs, sous l’impulsion d’Agnès Sire qui l’a dirigée pendant quinze ans et qui, aujourd’hui, en est la directrice artistique. L’exposition Eugène Atget. Voir Paris, produite avec le musée Carnavalet, en est un exemple : Atget terminait sa carrière de photographe au moment où Cartier-Bresson commençait la sienne. Autour de ces deux figures, c’est un tournant de l’histoire de la photographie qui se joue. Enfin, la Fondation soutient la création : tous les deux ans, avec la Fondation d’entreprise Hermès, nous décernons le prix Henri Cartier-Bresson, doté de 35 000 euros, qui aide le photographe lauréat à réaliser un projet d’une sensibilité proche du documentaire.

Quelle part avez-vous prise dans l’exposition Le Grand Jeu ?

Étant donné le dispositif – cinq commissaires qui font une sélection d’images à partir de deux Master Collections disponibles, celle de la BnF et celle de Pinault Collection –, il est arrivé que plusieurs commissaires souhaitent exposer la même image. Lorsque le cas s’est présenté, nous avons prêté des tirages issus de notre exemplaire de la Master Collection. C’est une belle façon de continuer à valoriser cette œuvre que l’on croit connaître, mais qui est d’une richesse immense. En proposant une nouvelle lecture  – ou plutôt cinq ! –, l’exposition fonctionne aussi comme une invitation pour le visiteur à construire sa propre sélection, son propre choix. Si on réussit cela, on aura gagné !

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

Entretien paru dans Chroniques n° 91, avril-juillet 2021

 

En savoir plus sur l’exposition Henri Cartier-Bresson. Le Grand Jeu