Les estampilles et l’estampillage de la Bibliothèque royale à la Bibliothèque nationale de France

Les estampilles sont des tampons présents sur les documents de la Bibliothèque nationale de France. Ces marques ne sont pas toutes similaires selon le document et la date de leur apposition sur l’ouvrage. Découvrez dans cette page leurs caractéristiques, leur histoire et les différents processus d’estampillages.

 

 

Définition

Mot d’origine espagnole, apparu en 1740, estampilla, de estampa, estampille signifie « empreinte » qui atteste l’authenticité d’un produit, d’un document, en indique l’origine, marquée avec un cachet, un poinçon, un sceau ; consistant en une signature, un timbre

L’estampillage est l’action d’estampiller et son résultat. C’est la manière la plus ancienne et la plus sûre de marquer un document pour en protéger la propriété.

« L’estampille est le timbre marquant l’appartenance des livres à la Bibliothèque » , la marque de possession d’un établissement, « Le Grand Robert de la langue française » / Dictionnaires Le Robert, 2017 (consulté en ligne le 11 janvier 2021).

Elle doit être apposée dès l’arrivée du document dans l’établissement et avant tout déplacement. Elle remplit ainsi une fonction dissuasive de protection contre le vol pour les documents patrimoniaux. À la Bibliothèque nationale de France, les collections, sur tous supports, portent une estampille ou une marque de possession (timbre sec ou marquage des documents audiovisuels). La BnF estampille ou marque, chaque année près de 320 000 documents, de tous types, qui entrent dans les collections par dépôt légal, acquisitions, dons ou échanges.

 

Histoire

L’estampillage des documents débute au XVIIe siècle. Les zones d’estampillage sont variables en fonction des époques, des documents et des pratiques.

Du XVIIe siècle à 1724, quand la Bibliothèque du roi est Bibliothecae regiae, elles sont apposées en bas à gauche de la page de titre des livres. Les premières estampilles sont de grande dimension, placées de telle manière à ce qu’elles soient immédiatement visibles.

 

« La période moderne de l’estampillage commence sous la Monarchie de juillet : c’est alors qu’apparaissent les mentions abrégées des départements, que se généralise l’apposition du timbre à des endroits déterminés des volumes et qu’est résorbé l’énorme retard qui s’aggravait depuis la Révolution. »
Pierre Josserand et Jean Bruno. « Les estampilles du département des Imprimés de la Bibliothèque nationale ». Dans Mélanges d’histoire des bibliothèques offerts à Monsieur Frantz Calot, p. 283. 1960. P. 262-298 (Bibliothèque Elzévirienne. Nouvelle série et documents).

« L’importance accordée désormais à l’estampillage est attestée par l’insertion, dans le règlement de la Bibliothèque du 26 mars 1833, d’un article spécial (n°25) : “Tout livre, tout manuscrit, toute pièce de musique, estampe et carte, qui entre dans la Bibliothèque royale, doit être estampillé dans le plus bref délai”
Recueil des décret, ordonnances, arrêtés et règlements concernant le régime de la Bibliothèque royale (an IV-1847). Paris, 1848, p.47. Citation op. cit.

L’estampillage se généralise donc et les estampilles sont alors modifiées pour faire apparaître l’indication du département de conservation. C’est à partir de cette date que les estampes et les dessins reçoivent une estampille.
  • De 1792 à 1804, la Bibliothèque royale devient Bibliothèque nationale et sera Bibliothèque impériale entre 1805 et 1815 et entre 1852 et 1870.
  • Sous la 3e République, l’estampille porte la mention de la Bibliothèque nationale et les initiales de la République française (RF) et le nom du département d’appartenance, en entier ou abrégé.
  • En 1994, la Bibliothèque nationale de France choisit le sigle « BnF » et le trigramme du département pour le marquage des documents.
  • À la Bibliothèque de l’Arsenal, le début de l’estampillage est daté de janvier 1812.

 


    « Ce travail, si important pour la collection, était fait par Olivier Loiseau, garçon de bureau, ancien valet de chambre du marquis de Paulmy. L’un des cachets, d’un large format, portant une aigle impériale et la légende «Bibliothèque de l’Arsenal», fut souvent apposé d’une manière maladroite sur les volumes. Des manuscrits, des livres illustrés ont eu leurs titres, leurs gravures, leurs peintures brutalement maculés. »  Henry MARTIN, Histoire de la Bibliothèque de l’Arsenal, 1900

    Rattachée à la Bibliothèque nationale en 1935, et devenue un département en 1977, la Bibliothèque de l’Arsenal modifiera ses estampilles.

    histoire du document

    Aucune marque de possession, aucune cotation ancienne, y compris sur les pages de garde des ouvrages ou sur les marges ou feuillets de montage anciens ne doit être supprimée. Tous ces éléments appartiennent en effet à l’histoire du document lui-même et des collections dans lesquelles il s’inscrit.

    « L’étude des estampillages peut aider le chercheur ou le catalogueur pour dater une pièce. Toutefois, il faut en user avec prudence et se rappeler qu’il peut y avoir un certain retard entre l’arrivée d’une pièce et son estampillage. Ce retard peut être de quelques années et même plus. Bien des pièces ayant échappé en leur temps au timbrage royal, impérial ou national n’ont reçu que beaucoup plus tard, parfois au siècle suivant, une estampille résolument anachronique. » Jacqueline Melet-Sanson. Les estampilles de propriété du Département des Estampes et de la Photographie., In « Nouvelles de l’estampe », n. 80, mai 1985, p. 8-10

    En effet, l’estampille, apposée sur un document, est toujours celle qui est utilisée au moment de l’estampillage, quelle que soit la date d’entrée du document dans les collections de la Bibliothèque.

    Processus d’estampillages

    L’estampille doit avoir des qualités de conservation pour ne pas dégrader les documents. Pendant longtemps, elle fut de forme ronde, puis ovale, apposée à l’encre indélébile, permanente, de couleur rouge ou noire, non corrosive, à séchage assez rapide pour un papier glacé, être grasse pour un papier « normal » et résister à l’eau et aux solvants. L’encre rouge est aujourd’hui privilégiée, mais les estampilles de la Réserve des Livres Rares sont de couleur noire pour des raisons esthétiques.

    En 1946, au sortir de la guerre, les difficultés pour trouver de l’encre de bonne qualité à Paris, conduisent la bibliothèque à se tourner vers l’encre de Chine.

     

    L’estampillage peut aussi se faire à sec avec une estampilleuse, pour les cartes postales et les photographies, par exemple, déconseillé sur les papiers fragiles, trop minces ou cassants par acidification (risques de perforation).
    On utilise encore aujourd’hui des « timbres en cuivre » (qui sont, en fait, en bronze), dont la gravure est plus fine et les traits moins appuyés. D’un format réduit, inférieur à 1 cm, il existe à la Bibliothèque nationale de France trois tailles d’estampilles correspondant au classement par formats. 

     

    Estampillage © Loïc Le Bail / BnF


    Le tampon doit être nettoyé à l’alcool régulièrement, avant et après tout usage. Un papier buvard sera passé systématiquement sur chaque estampille apposée pour éviter tout risque de bavure ou de décharge sur la page opposée.

    L’inscription devra être la plus discrète possible afin de ne pas endommager ni défigurer le document traité. Il faut agir avec soin, avoir reçu une formation appropriée, tout en respectant des consignes strictes, variables en fonction des départements, des documents et des supports.


    Cependant, si l’estampille doit être discrète, elle doit aussi être visible et reliée avec du texte pour ne pas pouvoir être effacée. Pour chaque type de document, il faut donc décider des pratiques à appliquer en fonction de la nature du document (manuscrits, imprimés, documents iconographiques, etc.) que de la nature des supports (parchemin, papier chiffon, papier glacé, etc.).

    Les principales recommandations consistent donc à apposer l’estampille de manière à ce que le document soit gravement altéré si on cherchait à la retirer, le caractère indélébile de l’encre protège les documents en cas de vol.

     

    Elle « ne sera pas placée au milieu d’une gravure ou d’une illustration, ni de manière à occulter une partie du texte, ou d’une annotation manuscrite ; et visible, pour que sa fonction d’antivol puisse être remplie. De façon générale, et pour rendre impossible sa disparition par rognage ou par découpage, l’estampille sera apposée soit au milieu de la page, soit dans une marge (inférieure le plus souvent), jamais à l’extérieur d’une marge ; elle sera toujours en contact avec du texte. »


    Depuis 1996, pour les livres, il est recommandé de l’apposer au verso de la page de titre, ou sur la première page de texte, sur la page qui contient l’achevé d’imprimé, à la fin de la table des matières et de chaque index, sur la dernière page imprimée et sur une ou plusieurs pages déterminées, à l’intérieur du volume, qui seront les mêmes pour tous les livres de l’établissement.
    Toutes les pages particulièrement vulnérables au vol, comme les feuillets volants ou les hors-texte, notamment les planches, seront marquées au moyen d’un tampon plus petit et plus discret, posé à cheval sur le bord et la marge de la planche (le marquage au verso est à éviter pour des raisons de sécurité, les planches dérobées pouvant en effet être collées, ou leur papier clivé).

    Les estampilles des estampes, des photos, des manuscrits, des monnaies et des DVDs !


    L’estampillage des estampes se fait en bas du document, au milieu ; à cheval sur l’image et la marge lorsqu’il y en a une ; entièrement sur l’image en l’absence de marge avec une encre rouge et un tampon et une estampille en cuivre de très petit format (ovale de 7 mm de haut sur 5 mm de large). Quand la gravure comporte un cadre, le mieux est de placer l’estampille à l’intérieur de ce cadre.

    On estampille au verso, après s’être assuré que l’encre ne diffuse pas dans le papier, les épreuves photographiques sur papier.

    Pour les documents en feuilles (feuillets manuscrits par exemple), l’estampille sera appliqué e au recto de chaque feuillet, dans une marge inférieure, avec un point de contact sur le texte.

    Les manuscrits à peintures seront estampillés avec discrétion au verso des feuillets décorés ou enluminés, et en évitant de mordre sur les parties peintes.

    En raison des conditions de communication des plateaux de monnaies ou médailles, la marque de possession est jointe à l’objet et non contremarquée sur ce dernier.

    Seules les pochettes des disques vinyles sont estampillées à sec. Les DVD et CD-audio sont marqués par gravure au laser. Des formes de cachets supplémentaires sont créées pour estampiller des fonds particulier, comme le don de Georges et Maryse Wolinski, apposé en sus de l’estampille « BnF EST » (correspondant au Département des estampes et de la photographie).

    Les services d’entrées du Dépôt légal, qui reçoivent 80 000 livres et 180 000 fascicules de périodiques par an, utilisent un composteur folioteur dateur, ou un timbre, apposé, dès l’arrivée, sur la première page imprimée, marquant ainsi l’entrée des documents déposés dans les collections patrimoniales. Après traitement, les documents sont orientés vers les départements thématiques, qui estampillent tous les documents, ceux transmis par le dépôt légal, mais aussi ceux achetés, reçus en dons ou via les échanges internationaux

    Bien qu’elles évoluent aujourd’hui, et ne soient plus les seules marques présentes sur les documents, les estampilles suscitent toujours l’intérêt des publics, car elles traversent le temps et marquent l’histoire des collections de la Bibliothèque nationale de France.