8 juil. 2019
Voyage
Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Charles Baudelaire, « Le Voyage », dans Les Fleurs du Mal, 1857
Estampes, photographies, dessins, parfois réalisés in situ, cartes postales, affiches touristiques…Les collections du département des Estampes et de la photographie offrent de multiples occasions de voyager.
Les plus grands ensembles relatifs à ce vaste thème figurent ans les séries « Topographie « (V) et « Voyages » (U), mais les représentations du voyage peuvent en réalité se trouver partout dans les collections.
Parmi les collections les plus prestigieuses, on peut citer celle de François-Roger de Gaignères, ayant fait réaliser au début du 18e s. un ensemble de vues de monuments et plans de villes lors de voyages à travers la France, véritable matrice de cette série de topographie, un des cœurs de la collection royale enrichie par la suite de la Collection Lallemant de Betz.
L’idée de documenter et d’interpréter territoire et patrimoine prend un nouvel essor avec la photographie : en témoigne la première commande publique adressée à des photographes, sous Napoléon III, sous le nom de « Mission héliographique », dont les albums sont conservés au département. Cette première initiative en son genre en a inspiré d’autres, comme la désormais mythique « Mission photographique de la DATAR » en 1980.
Le département des Estampes et de la photographie conserve ainsi des dizaines de milliers de représentations gravées, dessinées ou photographiques de lieux.
Le voyage proprement dit est d’abord un voyage d’exploration : économique, politique, militaire, scientifique, esthétique. Les images réunies par les collectionneurs et la bibliothèque à travers les époques témoignent de l’ouverture des routes vers l’est puis l’ouest, et de l’expansion des échanges. Ces images peuvent avoir une dimension scientifique et technique et côtoient les représentations cartographiques (le département des Estampes conserve des cartes et plans anciens, héritage de son histoire commune avec le département des Cartes et plans). Les voyages nourrissent aussi le goût de l’exotisme et de l’histoire. Les découvertes archéologiques de la période moderne, de l’antiquité gréco-romaine puis égyptienne influent sur l’esthétique et la formation artistique.
Les séries s’enrichissent de vues archéologiques, d’antiques, objets de curiosité des collections des grands personnages, instruments de la formation des artistes, témoignages parfois du Grand Tour ou d’un Prix de Rome.
Les images illustrent aussi les relations de voyages plus lointains, tours du monde à ambition universelle (Second voyage de Cook, Voyage au Cap de Bonne Espérance, par Sparrmann, dont le département conserve un exemplaire ayant appartenu à Marie-Antoinette), des carnets de « voyages pittoresques » en France et en Europe, des « voyages en Orient ». La reproduction peut aussi, en montrant les collections d’un musée ou en détaillant des monuments, servir à préparer le voyage.
D’autres œuvres ont pour mission de documenter, de manière quasi ethnographique, les mœurs et coutumes d’une région géographique considérée comme particulièrement intéressante : ainsi, les Mœurs et coutumes turques et orientales dessinés dans le pays de François-Marie Rosset en 1790, ou les albums de la Collection Bertin, commandés à la mission jésuite de Langrené, consacrés à la Chine.
Qu’elles soient ou non réalisées in situ, les images de lieux lointains sont une invitation au voyage, à la découverte d’un ailleurs plus ou moins imaginé. Les vues de villes, de monuments, ont cette fonction de « donner à voir » et de permettre au spectateur parcourir le monde par l’esprit depuis une bibliothèque, un cabinet d’art, un salon. C’est le cas de la Galerie agréable du monde, publiée en 1729, ou dans un genre différent des vues perspectives ou vues d’optiques. Cette manière de voyager n’est bien sûr pas spécifiquement occidentale, comme l’atteste le succès des paysages des maîtres japonais, tels Hokusaï ou Hiroshige.
L’essor des transports et du tourisme, à partir de la fin du XIXe siècle, donne lieu à des productions d’un genre nouveau : affiches, cartes postales (fonds de plus de 600 000 pièces), mais aussi albums de photographies de voyages amateurs, iconographie de guides de voyages. Le département conserve par exemple le fonds de la photothèque du Touring Club de France qui regroupe des dizaines de milliers de clichés de France, de ses anciennes colonies, des territoires d’Outre-Mer et d’Europe.
Cet aperçu ne fait que laisser entrevoir la richesse des collections du Département des estampes et de la photographie, qui demeurent elles-mêmes une terre encore imparfaitement explorée, en matière de géographie et de voyage.