Une journée dans la tour des Temps

Interlocuteurs principaux des lecteurs de la BnF, les magasiniers et magasinières effectuent une multitude de tâches qui contribuent au bon fonctionnement de la Bibliothèque. Récit d’une journée avec l’une des équipes de magasinage du département Philosophie, histoire, sciences de l’homme.

 

Céline Rocher, magasinière au département Philosophie, histoire et sciences de l’homme © Béatrice Lucchese / BnF

 

Si vous êtes déjà venu sur le site François-Mitterrand de la BnF, que vous êtes entré dans la salle J de la bibliothèque tous publics ou dans la salle K de la bibliothèque de recherche, leurs visages vous sont familiers. Céline, Olivier, Lison, Maxime, Vincent et Catherine font partie de la quinzaine de personnes qui composent l’équipe de magasinage du service Philosophie et religion. Avec leurs 450 homologues répartis dans les différents départements de la BnF, ces magasiniers et magasinières contribuent chaque jour à la bonne marche de la Bibliothèque. Ils assurent l’accueil du public en salle de lecture, le prélèvement en magasin des documents réservés ou encore le récolement, qui consiste à contrôler la présence des livres sur les rayonnages. Dépoussiérage, préparation d’ouvrages destinés à la numérisation ou petites réparations de volumes abîmés – le large éventail des tâches effectuées s’inscrit dans la préservation et la communication des collections, au cœur des missions de la BnF.

Une équipe soudée

Aujourd’hui, c’est Céline qui nous guide dans les méandres des magasins où sont conservées les collections du département Philosophie, histoire, sciences de l’homme. En traversant à pas vifs les rangées de compactus – ces rayonnages que l’on fait coulisser en actionnant des manivelles mécaniques ou électroniques –, elle raconte son arrivée à la BnF, après 18 ans dans une boulangerie du Calvados. « J’aimais bien le contact avec les gens, mais toute la partie administrative me pesait ; j’ai repris des études parce que je voulais vraiment travailler en bibliothèque : quand j’étais au collège, je passais mon temps au CDI ! », se remémore-t-elle avec un sourire. Le recrutement de magasiniers de la BnF lui a permis de rejoindre le service Philosophie et religion en 2019. Elle y a trouvé une équipe soudée dont elle prend un plaisir manifeste à présenter les membres au fil de ses déambulations. « Le travail de magasinier repose beaucoup sur le collectif et l’entraide », explique-t-elle en saluant au passage Catherine, l’une des doyennes du service, qui a commencé sa carrière de magasinière en 1993 sur le site Richelieu.

L’infini ballet des livres

Au milieu d’une travée, nous croisons Olivier, un tome de la Correspondance de Karl Marx dans une main, un bulletin correspondant au livre dans l’autre. La feuille est séparée en deux parties : l’une est glissée dans le volume, l’autre (le « fantôme ») prend sa place dans le rayonnage. Olivier repart à la recherche du livre suivant, La Politique à l’épreuve des émotions. Une fois munis de leur bulletin, les documents sont acheminés par chariot ou via les nacelles bleues du « transport automatisé de documents » le long des rails qui parcourent le site François-Mitterrand. Puis ils passent entre les mains des magasiniers postés dans les arrière-banques des salles de lecture de la bibliothèque de recherche et sont répartis dans les casiers correspondants aux places réservées par les lecteurs. D’autres magasiniers les donneront enfin en mains propres aux usagers venus les chercher en banque de salle.

Plusieurs kilomètres par jour

L’emploi du temps des magasiniers, très rythmé, laisse peu de place à l’engourdissement. Ils alternent par demi-journées les tâches qui relèvent des services au public, en salle de lecture ou dans les magasins, et les tâches internes consacrées notamment à la conservation des collections. Ces derniers temps par exemple, Céline vérifie l’état des numéros du journal quotidien Gil Blas datant des années 1880 avant qu’ils ne soient numérisés et mis à disposition sur Gallica. Mais surtout, la nature du bâtiment et l’emplacement des collections du département, réparties entre le socle du site François-Mitterrand et les étages 8 à 14 de la tour des Temps, conduisent Céline et ses collègues à arpenter plusieurs kilomètres par jour : « Ah ça, on marche beaucoup ! Ici, c’est rare de voir des chaussures à talons… », dit-elle dans un rire, avant de repartir à petites foulées vers la salle J, où elle finira sa journée.

Mélanie Leroy-Terquem

Article paru dans Chroniques n° 92, septembre-décembre 2021