Le corps questionné par l'art - Bibliographie
Lorsque l’on étudie la représentation du corps en art, toutes disciplines artistiques, époques et civilisations confondues, des thèmes récurrents apparaissent : les normes esthétiques, la beauté et la monstruosité, le pouvoir, le désir et le sacré.
Les canons esthétiques dépendent des valeurs d’une société à un moment donné, valeurs que l’art représente, célèbre, réfute ou interroge. La « Vénus de Willendorf » magnifiant une féminité en pleine santé, féconde et nourricière et le « Doryphore » de Polyclète, aux proportions idéales et au corps athlétique, en disent long sur les représentations de l’homme au Paléolithique et dans l’Antiquité. La laideur, le difforme et la décrépitude aux XVe et XVIe siècles sont le reflet d’une Renaissance avide de décrypter les mystères anatomiques de l’homme mais s’accordent également avec les dogmes de la religion chrétienne : le corps n’est qu’un vain support périssable face à l’âme immortelle.
Entre animalité et transcendance, la représentation du corps humain porte en elle une question sous-jacente récurrente : que dit le corps sur l’identité existentielle de l’homme ? Les statuettes préhistoriques aux formes humaines et animales posent tout autant la question des pulsions primitives de l’homme que celle de son élévation divine. L’identité est également une question de sexe et de sexualité. Aux XXe et XXIe siècles, la question du féminin et du masculin, du genre et de l’identité sexuelle devient récurrente : les artistes C. Cahun, J. Saville ou R. Gober s’en sont emparés. Devient prégnante également une certaine représentation critique du corps en tant qu’il est de facto l’incarnation de codes culturels et d’ancrage dans une classe sociale : pensons au travail de D. Hanson ou à celui de Nikki S. Lee.
En art, le corps est également lié à la question du pouvoir exercé sur autrui, ayant pour pendant la soumission, subie ou volontaire. À travers les époques, un répertoire conventionnel d’attitudes corporelles se dégage : guerriers, savants et hommes d’État déploient un port digne ou glorieux. La convoitise de l’homme amoureux menant à l’enlèvement violent (ou ravissement) de la femme est un leitmotiv en peinture et en sculpture, invitant à lier pouvoir et désir. De façon subtile, l’art contemporain a préféré au concept de corps dominant/dominé celui de corps-objet, instrumentalisé et aliéné et pose la question de la dignité humaine. En témoignent les œuvres d’A. Jones avec Chair ou de J. Spence avec Picture of Health.
De la fonction apotropaïque du « Balafré », à la vénération de la Madone au XVIe siècle, en passant par l’évocation de l’âme du défunt dans l’Égypte antique, la représentation du corps a également des fonctions spirituelles évidentes. Les corps des dieux et déesses, des saints et des martyrs ont une aura surnaturelle, permettant de dépasser la conception naturaliste du corps mortel.
Le corps en art se fait alors sujet, objet, support, mesure et matière, que l’artiste, à sa guise, questionne, sublime ou tourne en dérision. C’est parce qu’il représente son corps ou celui d’autrui que l’Homme a une image de soi et une place au sein du monde. Aussi le corps en art est-il un élément primordial de réflexion, ouvrant des problématiques politiques, sociales, culturelles et métaphysiques.
Ce sont ces différents axes de réflexion que cette bibliographie sélective et volontairement générale sur le sujet questionne, par le biais de grandes entrées : représenter le corps, mettre en scène le corps, dénuder et parer le corps.