Raynaud de Lage en aparté

Depuis dix-sept ans, Christophe Raynaud de Lage photographie les spectacles du Festival d’Avignon. Immersion au cœur de cette mémoire vive du Festival, une exposition à la Maison Jean-Vilar propose une déambulation au fil de ses images. Entretien.

 

Lear miniature, mise en scène Olivier Py devant le Palais des Papes festival d’Avignon 2015 - entresort théatral en préambule du Roi Lear qui se jouait dans la cour d’honneur © Raynaud de Lage

 

Chroniques : Comment êtes-vous devenu le photographe du Festival d’Avignon ?

Christophe Raynaud de Lage : Ma photographie de spectacle a commencé en 1989 avec le Festival international du théâtre de rue d’Aurillac que j’ai photographié, en noir et blanc, pendant plusieurs années. J’ai pu y développer ma sensibilité au spectacle vivant. Entre 1998 et 2000, je suis venu au Festival d’Avignon comme indépendant. C’est en 2005 que j’ai été choisi pour devenir le photographe « officiel » du Festival. Il n’existait pas jusque-là de mémoire photographique rassemblée du Festival. Dès mon arrivée, j’ai travaillé à construire cette mémoire, à partir des quelque milliers d’images que je réalisais à chaque édition et aujourd’hui en les déposant au département des Arts du spectacle de la BnF.

Comment est conçue cette exposition ?

Comme une plongée visuelle et dynamique dans la mémoire récente du Festival ! Le parcours a été pensé à partir d’une succession d’espaces, semblables à des « actes » qui rythment la déambulation du spectateur, tous au service du ressenti, de l’étonnement, de l’émotion… Cela commence par les lieux, des gymnases à la carrière de Boulbon, en passant par les cloîtres, l’église ou la chapelle… L’acte deux est consacré aux spectacles de la Cour d’honneur du Palais des papes, espace mythique et fondateur. Vient ensuite une partie intitulée « Cher public », qui montre la diversité des rapports aux publics et l’intensité des instants de théâtre qui en résulte. L’une des salles fait la part belle à l’image projetée et offre aux visiteurs une autre manière d’apprécier la force et la variété des esthétiques proposées chaque année dans les différents lieux du Festival.

Comment décririez-vous la spécificité de votre travail ?

Comme le suggère le titre de l’exposition, photographier le Festival d’Avignon c’est être présent chaque jour, pendant un mois. C’est accompagner sur la durée des spectacles qui eux-mêmes sont parfois longs : cette année deux spectacles durent plus de dix heures ! Cette dimension en croise une autre, celle de l’instant, d’ailleurs la légende de chaque photographie mentionne la date, l’heure, la minute et jusqu’à la seconde à laquelle le cliché a été pris. C’est de cet « instant suspendu », de ce moment très précis que la photographie garde la trace.

Qu’avez-vous voulu faire dans la partie de l’exposition intitulée « Réminiscences » ?

J’ai demandé à des spectateurs, artistes, techniciens de choisir une photographie d’un spectacle qui les avait marqués, de la décrire, et de nous faire partager ce qui les a touchés, saisis, impressionnés… Chacun témoigne face caméra pendant une minute, faisant surgir un fragment de mémoire, un souvenir, une émotion à jamais fixée. La force de la photographie, c’est qu’elle laisse une grande part à la subjectivité et permet à chacun de s’approprier le spectacle à sa manière.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

Entretien paru dans Chroniques n° 95, septembre-décembre 2022