Rêveries et voyages en Méditerranée au 19e siècle

En automne 2020, la BnF a accueilli l’exposition « Ruines » de Josef Koudelka. En 2021, le musée d’Orsay inaugurera également, en partenariat avec la BnF, une exposition consacrée à Girault de Prangey (1804-1892), pionnier du daguerréotype. Ces deux photographes ont partagé, à plus d’un siècle d’écart, un itinéraire commun : celui des grands sites archéologiques du pourtour méditerranéen. Cette coïncidence géographique donne l’occasion de s’intéresser à la pratique du voyage en Méditerranée, dont on retrouve de nombreuses traces dans nos collections.  
 

Dans le Salon de 1767 Diderot écrit : « Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure ». L’esthétique des ruines est alors à l’apogée : les peintres les adoptent dans leurs paysages, les architectes en bâtissent au sein des jardins à l’anglaise pour en intensifier la mélancolie, et cette fascination est nourrie par la mode du Grand Tour. Les expériences de voyage s’allient à la pratique de l’écriture, tout comme les intérêts diplomatiques se mêlent à la passion artistique. C’est le cas de Vivant Denon, ambassadeur, collectionneur et graveur lui-même, qui participe à la campagne d’Egypte dans le prestigieux rôle d’ « œil de Napoléon » avant de devenir directeur du Muséum central des arts (ancien nom du Musée du Louvre). Son Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte paraît en 1802 ; deux autres expéditions scientifiques, capitales pour la découverte de l’univers méditerranéen, suivront autour de 1830 : celle de Morée (Péloponnèse) et celle d’Algérie. Une nouvelle rêverie géographique se dévoile donc : la Méditerranée n’est plus un passage entre les terres d’Orient et d’Occident, comme son nom l’indique, mais une destination en soi.

Vivant Denon. Voyage dans la Basse et Haute Egypte, 1802 - Collections BnF

 

Cette rêverie avait été sans doute inhibée jusque là par des pratiques de voyage à haut risque, maritime notamment. En 1901, cent ans après la découverte des sites égyptiens, les aéronautes Henri de la Vaulx et Henri Hervé se lancèrent dans une traversée de la Méditerranée en ballon. Etait-ce prudent ? Ce qui est certain c’est que cette expédition, téméraire mais réussie, est la preuve d’une véritable révolution des transports qui s’est opérée d’un siècle à l’autre. Grâce au chemin de fer et à la vapeur, fleurissent alors les récits et les journaux de voyage. Un exemple parmi d’autres : Le Tour du monde, nouveau journal des voyages, hebdomadaire créé en 1860, est vendu à travers le réseau des gares de chemin de fer avant d’être incorporé en volumes. Jusqu’en 1914, la revue rassemblera plus de 900 récits de voyage, français ou étrangers, rédigés par plus de 500 voyageurs. Les lecteurs peuvent ainsi parcourir Pompéi, la Sicile, le Mont Athos, le Maroc ou Majorque depuis leur salon.

 

Valentina Vestroni

Pour aller plus loin : 

 

Ruines de Josef Koudelka : visite virtuelle