La scénographie de Jasmin Oezcebi et le choix des oeuvres ont été pensés en osmose. Dans l’exposition, le parcours n’obéit à aucune logique, si ce n’est celle de mettre en avant le regard singulier de Koudelka. Sont rassemblées des images qui appartiennent à des sites différents mais qui fonctionnent très bien ensemble formellement, esthétiquement.
Le visiteur découvre donc avant tout une installation photographique. Celle-ci mime le principe d’un site de fouille dont un fascicule distribué à l’entrée de l’exposition livre les clés de lecture. La scénographie alterne de grands panoramiques suspendus présentés selon une alternance de diptyques, de triptyques et des panoramiques de plus petits formats, posés sur des socles, proches du sol, que l’on voit ainsi en surplomb.
Un troisième niveau complète cette installation avec les panoramiques verticaux accrochés sur les cimaises qui s’affirment comme des fenêtres sur le paysage. À la fois tellurique et aérien, cet agencement assez spectaculaire rejoue l’idée d’un théâtre de la vision : c’est comme si le visiteur voyait les sites antiques se déployer sous ses yeux.
Tous ces formats et ces différences de niveaux permettent de jouer avec des effets de perspective, engagent le regard du spectateur, l’invitent à créer ses propres associations. »
En refusant d’investir les codes traditionnellement attachés aux panoramiques – la vision englobante qui place l’homme au centre, le regard parfaitement aligné sur l’horizon -, en renonçant au réconfort sublime de la ruine romantique, Josef Koudelka opte pour des vues basculées, complexes, où s’architecture néanmoins un désordre des ruines. Son regard étaie l’ensemble et construit ce qui reste à dire de la beauté du monde.
Fragile et pourtant toujours là, trace pérenne et métaphore du temps qui passe, la ruine condense tous les contraires. Servie par un noir et blanc contrasté, elle devient le motif photographique par excellence, celle d’un émerveillement inquiet face à un paysage à la fois tourmenté et à la beauté sereine, d’où l’homme est absent mais présent partout, en creux.
Héloïse Conesa, conservatrice au département des Estampes et de la Photographie, commissaire de l’exposition.