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Hélène Bessette - Bibliographie
Le Gang du Roman Poétique
On ne vit que deux fois
Dix ans plus tôt, Hélène Bessette avait écrit elle-même la biographie qu’elle aurait rêvé qu’on lui consacrât. Retrouvé dans les archives de l’IMEC et publié en 2018, On ne vit que deux fois est une confession parfois maladroite et excessive, mais bouleversante. Elle y trace un bilan de sa vie et de son œuvre d’une lucidité enragée qui s’ouvre sur cette antiphrase : « Mégalomane et de portée minime, j’écris un petit livre sur moi-même, disons proportionnel à la petitesse de mon esprit et de la production littéraire qui m’a été accordée » (p. 15). Bessette s’y montre bien consciente d’avoir échoué à coller aux attentes germanopratines : « pour convaincre il aurait fallu que mon physique soit très différent […] que je sois un homme, jeune, assez bien de sa personne, pas mal nippé, avec situation, peut-être Normale Sup, au moins licencié. » (p. 63). Elle a très certainement pâti aussi de n’être pas assez docile. En lutte contre les hiérarchies sociales, elle s’est délibérément tenue en dehors des mouvements intellectuels et politiques qui ont marqué les années 60/70. Dans son Histoire vivante de la littérature d’aujourd’hui (1959), Pierre de Boisdeffre écrit ainsi : « dans la constellation compliquée du «Nouveau Roman», Hélène Bessette occupe une place à part : celle d’une enfant boudeuse, incapable de se plier aux règles du genre ».
Après sa mort, son œuvre a bénéficié d’une reconnaissance tardive. Elle est de nouveau disponible en librairie. Entre 2006 et 2012, la collection Laureli (dirigée par Laure Limongi) réédite ses livres aux éditions Léo Scheer. Depuis 2017, les éditions Le Nouvel Attila ont pris la relève et entrepris une réédition intégrale de son œuvre. En 2018, pour commémorer le centenaire de sa naissance, un colloque lui a été consacré à Cerisy, « Hélène Bessette : l’attentat poétique ». De nombreuses autrices et auteurs d’aujourd’hui la redécouvrent, comme Julia Deck qui, dans sa belle postface à On ne vit que deux fois, « On n’est jamais si bien servie que par soi-même », décrit bien les raisons de son échec : Bessette n’avait pas la bonne posture et ne savait pas se vendre. Pour innover, elle aurait dû être un jeune homme riche et pas une mère célibataire pauvre entre deux âges : « Tu as trois choix. / Soit c’est le public qui ne comprend rien dès que l’auteur s’écarte un peu du roman traditionnel. Soit c’est le milieu littéraire qui s’horrifie dès qu’apparaît une nouveauté vraiment nouvelle. Soit c’est la maison Gallimard, qui, GRAND UN, lui refuse ses manuscrits, et, GRAND DEUX, s’oppose à ce qu’elle les présente ailleurs. / Mais j’y pense : le plus simple est d’accuser la victime. / Hélène ne fait aucun effort. Elle rechigne, elle renâcle, c’est une manie, une profession. » (p. 141).