La réalité virtuelle, un nouveau patrimoine

Depuis quelques années, la Réalité Virtuelle (VR) a investi le champ de la création numérique et culturelle et y prend de plus en plus d’ampleur. Si cette technologie était déjà ancienne dans certains secteurs industriels comme l’aéronautique ou l’architecture, son extension à la sphère culturelle est encore neuve et a été vue comme une opportunité de renouveler les formes d’expression artistiques : audiovisuelles et vidéoludiques, mais aussi picturales, théâtrales… Un nouveau champ de création que la BnF a eu le souci de collecter dès ses prémices.

 

Quelle est la légende ? © Julien Perenet / BnF

Un jeune secteur en voie de patrimonialisation

La réalité virtuelle a été officiellement lancée sur le marché en 2016 avec des dispositifs comme l’Oculus Rift, le HTC Vive ou encore le Playstation VR, permettant de consulter sous casque des expériences vidéos et/ou interactives. Soucieux de pouvoir témoigner des prémices de ce secteur, le département Son, vidéo, multimédia de la BnF s’est engagé dès 2018 à mettre en place la patrimonialisation de ces nouvelles créations immersives. C’est l’application de la loi DADVSI de 2006 qui étend le champ d’application du dépôt légal aux documents dématérialisés diffusés en ligne. Le département travaille avec les acteurs de ce secteur émergent (CNC, Institut Français, association PXN…) pour faire de ce dépôt une norme connue et appliquée par tous les professionnels de la création d’expériences immersives.

Quelle est la légende ? © Julien Perenet / BnF

 

Les formes prises par ces réalisations et le degré d’immersion peuvent varier en fonction des projets. Les films en vidéo 360° (I, Philip, L’homme derrière Notre-Dame…) peuvent se consulter sous casque ou dans des espaces aménagés spécialement comme les dômes. Ils apportent une vraie plus-value par rapport à un film classique lorsqu’ils projettent l’utilisatrice ou l’utilisateur dans un univers en apesanteur ou dans une œuvre d’art. Les expériences narratives interactives (Notes on Blindness, SENS VR…), moins répandues mais qui tendent à se développer, demandent une participation active, propice à des recherches narratives comme à un plus grand effet émotionnel. Les jeux vidéo en réalité virtuelle, qu’ils prennent la forme d’adaptation de titres existants (Skyrim, Superhot VR) ou de créations originales (Beat Saber, Astro Bot, Half-Life Alyx…), invitent, quant à eux, à repenser le rapport des joueuses et des joueurs à l’espace.

Face à la faible pénétration des dispositifs de réalité virtuelle dans les foyers, la tendance actuelle semble privilégier les lieux dédiés. Il peut s’agir d’espaces muséaux : médiation patrimoniale, comme Monet, l’Obsession des Nymphéas, produit par Lucid Realities ou reconstitutions de monuments disparus dans l’exposition Cités millénaires à l’Institut du monde arabe). On a aussi des salles de divertissement (salles d’arcade ou d’escape game) renouvelant l’offre de loisirs à l’aune des nouvelles avancées technologiques. C’est aussi le cas des bibliothèques qui s’équipent pour faire découvrir à leurs usagères et usagers une sélection d’expériences. Ainsi à Paris, la médiathèque Marguerite-Yourcenar, en partenariat avec la mairie du 15e arrondissement, dispose-t-elle d’une salle dédiée ou, à la BnF, la salle A propose des dispositifs de consultation de titres VR.

Une jeune collection déjà consultable à la BnF

Comme tous les documents issus du dépôt légal, la réalité virtuelle est considérée comme un objet patrimonial et un objet de recherche, que la BnF s’engage à mettre à disposition de son public. Les nouvelles expériences immersives collectées sont accessibles aux étudiant(e)s et chercheur(e)s, dans la salle P de la bibliothèque de recherche, pour  y être visionnées, étudiées et comparées avec les autres formes audiovisuelles disponibles.

Au printemps 2018, la réalité virtuelle a également fait son arrivée dans l’espace tous publics de la BnF, avec une sélection de titres consultables en salle A. La sélection vise à refléter la diversité de la création VR, du film en vidéo 360° (Monet, l’obsession des nymphéas, Dreams of O - produit par le studio canadien Felix & Paul) au jeu vidéo (Superhot, Beat Saber), en passant par des œuvres expérimentales à la frontière du film et du jeu (Notes on Blindnessproduit par Ex Nihiloet ARTE). Elle est renouvelée plusieurs fois par an afin de faire découvrir les plus récentes productions immersives primées dans de prestigieux festivals tels que la Mostra de Venise (compétition VR depuis 2017) ou le SXSW à Austin, Texas.

Depuis début 2020, une partie de cette offre est proposée sur une deuxième station dédiée à la consultation de vidéos à 360°. Grâce à un partenariat noué avec l’éditeur Bethesda, le jeu Skyrim a ainsi été proposé au public à l’occasion du cycle fantasy organisé en salle A de janvier à mars 2020. De nouveaux titres seront progressivement mis à disposition.

La recherche a aussi sa place en salle A. En témoigne la présentation à l’automne 2019 du projet Tamed-Cloud, porté par le Laboratoire de recherche en art et design de l’école des Arts décoratifs (EnsadLab), qui interroge notre rapport au big data par une approche visuelle et sensorielle inédite.

Ainsi, l’ensemble de la création audiovisuelle se renouvelle-t-elle avec la réalité virtuelle, qui est déjà au centre des missions de la BnF. Nul doute que les années à venir verront naître des expériences toujours plus innovantes, que la bibliothèque veillera à faire rentrer dans son patrimoine et à valoriser.