Hommage à Ngũgĩ wa Thiong’o (1938-2025)
Le géant de la littérature africaine Ngũgĩ wa Thiong’o, né au Kenya en 1938, est décédé le 29 mai 2025. Souvent pressenti pour le Prix Nobel de littérature, l’écrivain et penseur de la décolonialité laisse derrière lui une œuvre monumentale, peu traduite en française, composée de romans, de pièces de théâtre et d’essais.
Emprisonné en 1977 par le régime kenyan après avoir monté une pièce en kikuyu, sa langue maternelle (Ngaahika ndeenda, traduit par lui-même en anglais sous le titre I will marry when I want, et publié en 1982), il décida d’écrire désormais en kikuyu et de s’auto-traduire en anglais pour créer une vraie littérature africaine et sortir de celle qualifiée d’« afro-européenne », comme il le défend dans son essai Décoloniser l’esprit (1986).
Sorti de prison en 1978, menacé et frappé de censure pour avoir contesté le régime post-colonial, il s’exila au Royaume-Uni, en 1982, puis aux États-Unis. Son œuvre est marquée par des thèmes comme le conflit entre tradition et modernité, la lutte des classes, l’épisode de révolte des Mau Mau contre la puissance coloniale britannique et sa sanglante répression, ou encore la corruption du régime post-colonial, comme dans Ne pleure pas, mon enfant (1964), Pétales de sang (1977) et Wizard of the crow (2006, non traduit en français). L’un des trois volumes de ses souvenirs d’enfance, écrits directement en anglais, est traduit en français, Rêver en temps de guerre : mémoires d’enfance (2010), ainsi que l’un de ses derniers textes, Les neufs parfaites : l’épopée de Gĩkũyũ et Mũmbi (2020). C’est le premier roman en langue africaine à avoir été nominé pour le Booker Prize, dans la traduction de l’auteur, en 2021.