« C’est une femme qui parle » : philosophie et délégitimation

Dans la continuité de cette saison consacrée à la place des femmes en philosophie, la troisième séance s’intéresse à la délégitimation de leur parole. À partir de la phrase prononcée par Marie de Gournay en 1626, « C’est une femme qui parle », Laurence Devillairs analyse ses mécanismes et les moyens de dépasser cette assignation pour reconnaître pleinement la pensée des femmes.

Pourquoi précise-t-on une « femme » philosophe ? Comme si les femmes ne partageaient pas de la même manière que les hommes la dignité d’être philosophes. Et pourtant, depuis toujours, les femmes font de philosophie. Ce qu’elles pensent, ce n’est pas uniquement le sort qui leur est réservé, mais la condition humaine et la société dans son entier. Pourtant, leurs travaux semblent ne pas compter : on ne trouve que cinq femmes dans le programme de philosophie de classes de Terminale, depuis peu de temps et uniquement pour la période contemporaine. Comme s’il n’y avait pas eu de femmes philosophes avant le XX^e, comme si elles n’étaient qu’au nombre de cinq.

Comment expliquer cette délégitimation ? Car les femmes ne sont pas invisibles : elles écrivent, elles sont publiées, parfois citées. Mais leurs idées ne semblent pas valoir autant que celles des hommes. Les femmes qui philosophent ne seraient donc pas des philosophes comme les autres ? Le fait d’être maintenues dans un état d’assujettissement, de mépris et d’impuissance leur confèrent-elle la possibilité de penser autrement, de formuler des questions inédites, de proposer des réponses nouvelles ? Le savoir a-t-il un sexe ? L’universel appartient-il à un genre ? Et quelles sont les relations entre une pensée que l’on veut universelle, valable pour tous, et le fait que « c’est une femme qui pense », avec toute la singularité que cela implique ?

Par Laurence Devillairs, agrégée de philosophie, université Paris 1 Panthéon Sorbonne

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